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David Goffin : "Les jeunes et les moins jeunes sont là... j'ai ma place parmi eux"

Si les signes avant-coureurs se confirment, l'année 2019 s'annonce comme un feu d'artifice au sommet du tennis mondial. 

Djokovic va-t-il poursuivre sur son impériale lancée retrouvée ? On attend avec impatience le retour de Nadal... on pourrait dire comme d'habitude. Murray revient lui aussi. Federer peut-il encore gagner un Grand Chelem, même si Toni Nadal n'y croit pas, ce ne serait pas la première fois que le Suisse contredirait l'oncle de Rafa ? Les jeunes qui s'affirment, spécialement Sasha Zverev au dernier Masters, confirmeront-ils dans les grands rendez-vous ? Et quid de David Goffin qui a enfin pu s'offrir une préparation hivernale digne de ce nom après avoir zappé la fin de saison, contraint, forcé ? "Je crois avoir ma place parmi tous ceux-là", sourit-il.

Son dernier match remonte à fin septembre, c'était en Chine, à Shenzhen, face à Andy Murray. Défaite en deux sets (3-6, 4-6) et décision drastique : on arrête tout et on soigne cet oedème au coude qui, après celui subi à l'oeil au mois de février, a achevé de lui pourrir l'année. On l'a retrouvé tel qu'en lui-même, aimablement attablé dans la cafetaria du club de Géronsart, de retour au pays pour vivre Noël en famille, parfaire son entraînement, et passer quelques contrôles médicaux. Dans son port d'attache monégasque, après quelques vacances, il a pu travailler physiquement comme il n'avait pu le faire depuis trois ans, avant de reprendre doucement la raquette fin novembre, c'est qu'un tel oedème ne guérit pas si vite. Au lendemain de Noël, il s'envolera pour Doha où il entamera la saison début janvier en belle compagnie à commencer par celle de Novak Djokovic et de Dominic Thiem. S'il a rétrogradé à la 22e place mondiale, principalement en raison des circonstances, il aura aussi, forcément, moins de points à défendre à divers moments de l'année, soit par exemple 325 d'ici au Masters 1000 de Monte Carlo fin avril. L'occasion de se refaire au ranking, même s'il faudra également récupérer le rythme de la haute compétition après près de quatre mois sans match. On en parle.

Q. David, comment s'est passée cette entre-saison ?

R. Très différemment des trois précédentes, je ne vous apprendrai rien. Je me suis très bien préparé, et je suis vraiment au top physiquement. Quant à mon tennis, il est monté en régime progressivement, il ne fallait pas reprendre trop tôt pour le coude, surtout qu'on avait un peu de temps, on a suivi tout le protocole, du début à la fin, en augmentant petit à petit l'intensité, maintenant je suis à fond et je trouve que j'ai un bon niveau à l'entraînement. Je viens de passer une semaine 100 % tennis à Tenerife, avec Dominic Thiem et son équipe, il y avait plusieurs autres joueurs sur place comme Gulbis ou Struff, et ici je vais également m'entraîner avec quelques juniors de l'AFT avant de partir. Bien sûr, la compétition c'est encore autre chose, j'ai hâte de voir ce que cela peut donner en tournoi, une fois sur place la tension va petit à petit s'installer.

Q. On vous a vu vous essayer à l'escalade sur une vidéo, vous aimez vraiment ça ?

Q. J'adore (sourire). Plutôt que de rester cloîtré dans une salle durant quatre ou cinq semaines pour la préparation physique, on a essayé de varier. Comme il y a beaucoup de Via Ferrata dans la région, c'était l'occasion d'en faire. Quand on est aussi haut perché on fait moins le malin mais j'ai vraiment pris plaisir.

Q. Pourquoi avoir choisi Doha pour commencer ? 

Q. C'est sur le chemin de l'Australie, j'y suis déjà allé il y a deux ans et cela m'avait plu. J'espère évidemment y jouer le plus de matches possibles, parce qu'après je partirai de suite à Melbourne pour une semaine d'adaptation et d'entraînement, je ne participerai plus à l'exhibition de Kooyong comme les deux dernières saisons (il l'a gagnée en 2017, ndlr). La situation est différente cette année, et ce tournoi n'est pas évident à intégrer dans un programme, il y a souvent beaucoup d'attentes, de changements, la météo est capricieuse. En 2018, j'ai chaque fois dû faire le maximum, donner tout ce que j'avais pour revenir après avoir subi des coups durs physiques, il n'est pas facile de gérer ça, ces contretemps on va essayer de les transformer en force pour 2019, avec un peu de maturité en plus et ce que j'ai pu faire physiquement qui paiera tôt ou tard.

Q. Tennistiquement, vous avez travaillé spécialement certaines choses ?

R. On essaie toujours de s'améliorer, la position sur la ligne de fond pour mettre un peu plus de pression sur l'adversaire, un peu tout au service, vitesse, pourcentage, précision, et puis la volée, la défense en slice... quant aux objectifs c'est dur à dire, alors qu'on n'a pas encore commencé la saison, ça ira peut-être très bien au début, ou ça mettra un peu de temps avant que je ne retrouve le rythme, je ne sais pas trop, on verra bien. 

Q. Et après Melbourne, il y a la Coupe Davis au Brésil...

R. ... Je me dois de dire que c'est un peu flou, il y a les tournois en Europe que d'habitude j'aime bien faire (il est annoncé à Montpellier, Rotterdam, Marseille, ndlr), c'est toujours délicat fin janvier, on sort d'un Grand Chelem, ce sera à nous de prendre la décision, on verra comment je me sens physiquement, comment j'ai récupéré, si tout va bien au niveau du bras. Car c'est un déplacement vraiment difficile, il faudra être à 100%, voire plus, pour digérer le décalage, le changement de surface, ça va être compliqué...

Q. Vous en pensez quoi finalement de ce changement de formule en Coupe Davis ?

R. Personnellement, j'aimais bien le format traditionnel, mais les joueurs du top 20 ne la disputaient plus, donc il fallait changer, c'est sûr. Ils ont essayé de lancer quelque chose très vite, parce qu'ils étaient un peu sous pression, et je ne suis pas sûr que ce soit la formule qui va fonctionner en 2019. Le premier match, c'est plus ou moins comme avant, après, si on se qualifie, la phase finale en fin d'année c'est une date assez compliquée, je demande à voir. Sur le circuit, j'entends tout et son contraire, il y en a qui aimaient le format précédent, d'autres pas, il y a ceux... qui l'ont déjà gagnée, et puis il y a l'ATP qui lance sa propre épreuve, deux compétitions par équipes qui vont se suivre, c'est un peu ridicule. Est-ce qu'il va y avoir un accord entre l'ITF et l'ATP ? Je ne sais vraiment pas comment cela va se passer.

Q. Avec les jeunes qui montent, la concurrence au top devient encore plus dense, vous voyez ça comment ?

R. C'est vrai, il y a une belle génération qui arrive, avec un très bon potentiel, mais je pense avoir ma place dans tout ce monde-là. Les jeunes arrivent, mais les plus âgés ne laissent pas la place, ça tourne un peu, c'est vrai, mais Rafa, Djoko ou Roger sont encore là, et bien là. Avant d'entamer une saison, on ne sait jamais comment ça va aller, ou qui va se blesser, tout le monde a l'air de bien aller, les jeunes, les moins jeunes, ça va être intéressant de voir si l'un ou l'autre jeune va prendre une autre dimension, si Djoko va continuer à étaler la même suprématie, si Roger sera toujours là pour faire très mal ne fut-ce que sur un tournoi, quant à Rafa s'il a toujours un peu difficile en fin de saison il est souvent très, très fort en début d'année jusqu'à la terre battue, donc, oui, ça risque d'être intéressant.

Thierry Van Cleemput : "Ce qui devait être fait a été fait, mais l'histoire reste à écrire"

"La préparation physique, que j'attendais, a dépassé mes attentes, elle a été très complète, un grand coup de chapeau à notre préparateur Fabien Bertrand", insiste le coach de David, Thierry Van Cleemput. "Quant on a repris le tennis, la prudence était évidemment de mise, on y est allé très progressivement pour voir l'état du coude une raquette en main, on a suivi une progression très claire, lente, pour que tout se passe bien, pour mettre toutes les chances de son côté, avec une semaine plus intense à Tenerife. On avait apprécié Doha par le passé, sur le chemin de Melbourne, et on a préféré ne pas faire Kooyong qui, d'expérience, peut se révéler énergivore. Il est clair que, pour cette reprise de compétition, on a l'ambition que cela fonctionne bien, on s'en est donné les moyens, mais il ne faut pas rêver non plus : David n'a pas joué en compétition depuis quatre mois. Il y a une donnée essentielle dans le tennis, c'est le rythme, et le rythme on ne l'acquiert qu'en jouant des matches, or j'apprécie quand David dit qu'il veut en jouer un maximum à Doha mais quand on voit la liste des engagés dans ces tournois de début d'année on voit bien que ce ne sera pas une partie de plaisir. Donc, il va falloir vivre ça avec beaucoup de calme, de recul, se focaliser plus sur la manière, les sensations, que sur le résultat, essayer d'avoir une ambition sur le long terme. Pour se maintenir à un bon niveau, il n'y a qu'un seul moyen, progresser, et ce n'est pas une évaluation uniquement en terme de ranking, c'est progresser dans la tête, prendre de la maturité, varier et amener de nouvelles choses dans son tennis. On a essayé avec David de remettre de nouveaux challenges sur des coups forts, des coups essentiels, son baromètre restant quand même la qualité de son retour, et ce qui a nourri ses meilleurs résultats celle de son coup droit, on a focalisé beaucoup de choses là dessus. J'ai travaillé avec quelqu'un de motivé, décidé, humble, ce qui devait être fait a été fait, mais l'histoire reste à écrire."

"La Coupe Davis ? Je suis choqué"

Après avoir précisé que ce serait à David de prendre la décision, "à 28 ans c'est un homme et un sportif autonome", Thierry Van Cleemput n'a pas caché son point de vue sur l'évolution de la Coupe Davis : "Je devrais essayer de mentir, mais je n'y arrive pas. Je suis choqué, on a affaire à des joueurs professionnels, ce sont eux les artistes, ce sont eux qui doivent jouer, ils se plaignent, et on leur jette parfois la pierre, parce qu'ils disputent ou acceptent trop de tournois, le problème c'est qu'un professionnel a des engagements à prendre, vis-à-vis d'un tas de paramètres, pas seulement l'argent, par rapport à des événements qu'il ne peut pas bouder, des événements qui lui tiennent à coeur aussi. D'une part, la Coupe Davis est une "vieille dame", qui date d'avant guerre et n'a pas pu s'adapter aux professionnels. D'autre part, une sélection en équipe nationale c'est le nirvana pour un athlète, représenter son pays reste le but ultime. Et c'est là que je suis choqué, fâché, parce que la mise en place d'un événement tel que celui-là doit tenir compte de l'homme, et pas seulement des intérêts particuliers de ceux qui vont le mettre en place. Toujours est-il que je constate une chose : il fut un temps où, en 2015, lorsque David, avec ses camarades, est arrivé en finale, il y avait des points ATP à la clé, même chose aux Jeux olympiques, depuis la guéguerre entre les deux organismes qui chapeautent le tennis fait en sorte qu'il n'y a plus de points à des moments du calendrier où c'est essentiel pour les joueurs. Ma position est claire : jouer pour son pays, c'est très important, ça lui tient à coeur, ça me tient à coeur, le seul problème c'est que de là à foutre en l'air, passez moi l'expression, toute une carrière parce que des décisions idiotes ont été prises il y a un pas. Et maintenant quand j'entends que l'ATP vient avec sa propre compétition jusqu'où va aller cette guerre ? Il faut que cela s'arrête, et ne pas venir encore ajouter une compétition après une saison lourde, fatigante, beaucoup trop longue, ces semaines de vacances, de congé, de repos, elles sont fondamentales pour les athlètes. Voilà mon point de vue, mais, encore une fois, c'est David qui décidera."

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