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Les supporters belges sont rentrés de Madrid peu convaincus par la nouvelle formule

La première Coupe Davis/Coupe du Monde nouvelle version s'est terminée dimanche en apothéose Nadalo-hispanique. Personne n'en a été surpris, et tout le monde a salué à juste titre la nouvelle performance "surhumaine" d'un Rafa en mode "gladiateur patriote", huit matches, huit victoires en six jours, chaque fois au coeur de la nuit et fin novembre après une telle saison, chapeau bas !

Les cinq matches et cinq sets d'antan mis à part, l'ambiance était celle d'une véritable finale de Coupe Davis entre l'Espagne et le Canada, idyllique vitrine qui n'est cependant pas l'exact reflet d'une semaine chaotique. Une drôle d'expérience, en vérité. Pour la soixantaine de "Belgian fans" et autres "Davis'et" présents sur place aussi, on a cru comprendre.

A creuser...

On a beaucoup tiré à boulets rouges sur ce qu'est devenue la Coupe Davis avant même que la première balle de la semaine finale madrilène ait été servie. A la sortie, elle suscite toujours les critiques, mais les opinions sont plus partagées, moins tranchées. Tout le monde s'accorde à dire que l'on ne doit plus appeler ça Coupe Davis, que cela n'a plus rien à voir. Quant au format de compétition, la plupart des joueurs, qui ont l'occasion de se côtoyer un peu comme aux Jeux olympiques, y ont paru plutôt favorable, ils disent qu'"il y a quelque chose à creuser". Jouer pour son pays reste spécial pour beaucoup, il y a eu de l'émotion, des bonheurs intenses et des yeux rougis comme on n'en voyait justement qu'en Coupe Davis. En revanche, même si dans le passé les matches de la Belgique à domicile ne se sont pas tous disputés devant de folles chambrées, jouer une rencontre devant 400 personnes n'est pas digne d'un rendez-vous de cette ampleur. On pouvait s'en douter, dès le moment où l'on rassemblait tout en un seul lieu, seule l'équipe qui joue à domicile "fait le plein" et a l'avantage du public. Qui battra l'Espagne de Nadal, véritable héros national, à Madrid ? N'est-ce pas une sorte de confirmation par l'absurde que la popularité de l'épreuve tient - ou tenait - beaucoup aux rencontres disputées à domicile ou à l'extérieur ? Le tennis n'est pas le foot, la Coupe a fait un malheur en terre ibérique, y compris à la télé, mais ailleurs ? Quant au planning, si le challenge de réunir dix-huit nations pour une compétition d'une semaine dans trois stades n'est pas simple à relever, finir toutes les soirées aux petites heures de la nuit façon noctambule, sans compter les obligations, notamment de presse, qui s'en suivent, est évidemment insensé. Quand USA-Italie finit à 4 h 04 du matin (y compris pour les petits ramasseurs de balles de dix ans), on rentre à l'hôtel à l'heure du breakfast. Et qui a compris les calculs d'apothicaire nécessaires pour désigner les deux meilleurs deuxièmes ?

Comment faire ?

Bref, qui va résoudre la quadrature du cercle ? De toute façon, qu'on le regrette ou non, on ne voit pas bien qui va revenir en arrière. "Il y a quelques fédérations riches, notamment celles bénéficiant des rentrées d'un Grand Chelem qui peuvent payer des joueurs au delà de 600.000 euros par an comme la France", dit Fabrice Santoro, "mais c'est différent dans beaucoup d'autres pays où les gars en avaient marre de sillonner la planète et de risquer la blessure pour des clopinettes." On peut ajouter que les fédérations perdent de l'argent en organisant la plupart des matches. La Coupe Kosmos règle financièrement le problème (minimum 600.000 dollars pour les joueurs, 300.000 pour la fédé), mais cela ne suffit pas puisque, s'il y avait du beau monde à Madrid, six des Top 10 mondiaux, et la moitié du Top 20, n'étaient toujours pas là. Donc... comment faire ? Gérard Piqué lui-même le sait bien, la date n'est pas bonne du tout, elle handicape trop de joueurs en vue de la saison suivante. L'idéal serait de dégager deux semaines en septembre pour être à l'aise, et de trouver chaque fois un endroit différent avec les infrastructures ad hoc... qui ne courent pas les rues. Mais il y a déjà la Laver Cup de Federer, bientôt l'ATP Cup, et il faudrait que la fédération internationale (ITF) et l'ATP marchent main dans la main, ce qui serait une vraie "première" dans la gestion (calamiteuse) du tennis mondial. Compliqué. Même si Piqué assure qu'il va s'y atteler, et si l'influent duo Nadal/Djokovic s'y est dit favorable. En attendant, l'an prochain, ce sera toujours Madrid fin novembre, avec peut-être un stade en plus. Les quatre demi-finalistes de cette année sont déjà sûrs d'y être, Espagne, Canada, Russie, Grande Bretagne, ainsi que deux wild cards, la Serbie on peut comprendre avec Djoko dans le viseur, mais la France vieillissante, éliminée sans gloire au premier tour... pourquoi pas l'Australie, l'Allemagne ou l'Argentine ? Parce que les plus virulentes critiques venaient de l'Hexagone ?

Décevant

Restent les stades qui sonnent creux. Comme celui des récents Mondiaux d'athlétisme au Qatar, encore une question d'argent. Les fans des dix-sept autres pays (Espagne exceptée) qui font vivre le tennis, les compétitions, la Coupe Davis... où étaient-ils ? Leon Smith, le capitaine britannique qui a battu le rappel avec la fédération anglaise pour offrir 900 tickets contre les Espagnols, a brisé une lance : "Dans le montant que reversent les organisateurs à chaque fédération, il devrait y avoir un budget consacré aux supporters qui seraient en partie financés et pourraient plus facilement venir encourager leurs joueurs." Même si cela n'a pas débouché sur le résultat espéré, l'équipe belge fut une des rares "étrangères" à bénéficier au premier tour d'un soutien bruyant et enthousiaste, la soixantaine de membres des "Belgian Tennis Fans" et des "Davis'et" ayant confirmé sa capacité à "chauffer" une salle même désertée. On sait les liens qui les unissent aux joueurs ainsi qu'au personnel fédéral, la petite équipe de l'AFT et le staff de Tennis Vlaanderen se sont d'ailleurs joints à eux lors des deux matches de la Belgique. "La fédé a fait ce qu'elle a pu, elle nous a fait profiter de ses réductions", soulignait Sébastien Bours des BTF, "mais la nouvelle formule est embêtante pour des gens comme nous. Déjà, en éliminatoire, on a changé les dates, de février à mars, et on ne joue plus le dimanche, il faut impérativement prendre congé le vendredi. Pour cette phase finale, comme on croit en nos joueurs, qu'on est là pour eux, on se doit de réserver la semaine - ils ne sont rentrés que ce lundi, ndlr. Et plutôt que de bénéficier d'un tarif avantageux, on découvre que les prix des hôtels flambent parce qu'ils croient que le monde entier va débarquer, en moyenne, selon les cas, il fallait compter 1200 euros par personne, sans la nourriture. C'est un investissement énorme, pas à la portée de tous, d'habitude on est trois fois plus en déplacement. Même si on savait que cela pouvait se produire, voir la Belgique éliminée dès le mercredi soir était d'autant plus décevant, surtout que c'est bien la première fois en cinq ans que l'on voit David Goffin se louper ainsi et que l'on se demande toujours ce qui serait arrivé si Steve et/ou David avai(en)t remporté leur deuxième set. Certes, quand on n'a jamais visité Madrid comme moi, c'est l'occasion de prendre quelques jours de vacances ou d'apprécier de superbes musées, mais l'an prochain si on revient ce sera de l'archi-connu."

Inconfortable

Quant à la situation sur le site, le coeur des supporters belges l'a estimée "frustrante" ou "inconfortable", peu comparable à ce qu'ils ont pu vivre par le passé. "Il faut laisser sa chance à l'événement, c'est une première édition, mais on a été déçu par le cadre, c'était froid, au sens propre comme au figuré, une salle au trois quarts vide c'est d'un triste !", continue notre interlocuteur. "De plus, on était beaucoup plus loin des joueurs que d'habitude, or c'est pour eux qu'on était là, ils nous l'avaient demandé. Le mercredi, le programme a pris un retard de près de trois heures, on a dû attendre dans les allées, il faisait glacial, même pas 5 degrés et pas un endroit avec du chauffage, j'avais un petit d'un an avec moi, on n'a pas voulu nous laisser entrer tant que le match précédent n'était pas terminé alors que le stade était à moitié vide, André (Stein) le président et Pierre (Delahaye) le secrétaire général étaient dans le même cas, je crois qu'ils ont finalement reçu une place de la fédération anglaise, on avait une personne handicapée, il n'y avait pas d'ascenseur, on a dû la porter. C'est vrai qu'une formule pareille permet de voir jouer "live" un Djokovic ou un Nadal, ce qui n'arrive pas tous les jours, mais il faut encore payer les billets pour aller sur les autres courts." "Il m'a manqué la convivialité", complète Tatiana De Radzidsky pour les "Davis'et", "c'était inconfortable, cela manquait d'informations,  de souplesse dans l'événement. D'habitude on a les fans adverses en face, on se mesure à eux, on se rencontre, parfois on crée des liens, voire des alliances, heureusement que quand on est en groupe on se marre toujours, on met de l'ambiance quoiqu'il arrive." Et ça tout le monde l'a vu, même le journal français L'Equipe leur a consacré un article dès le premier jour de compétition...
 

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