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Gauthier Onclin et Raphaël Collignon : première étape en Grand Chelem

La semaine qui s'annonce est à marquer d'une pierre blanche pour les deux Liégeois du team pro AFT. Même si leurs ambitions ne s'arrêtent pas là, une première accession en qualifications de Grand Chelem, qui plus est sur la terre battue de Roland Garros, à trois heures de la maison, de la famille, des amis, représente un étape marquante dans une jeune carrière. Depuis une dizaine d'années, les destins tennistiques et fédéraux de Gauthier Onclin et Raphaël Collignon semblent liés. Entretien avec les deux protagonistes.

"Ils avancent"

"Avec eux on peut avoir de belles surprises, mais ils prennent leur temps. On doit être beaucoup plus derrière eux qu'à mon époque de joueur", raconte volontiers Steve Darcis, le patron du team pro AFT. "On voudrait que cela aille plus vite, il faut les bousculer pour les faire avancer, mais ils avancent, c'est rassurant". Depuis l'année dernière, abordée par Raphaël Collignon à la 913e place mondiale et par Gauthier Onclin à la 640e, leur progression n'est pas fulgurante, comme celle d'un Alcaraz ou d'un Rune promis d'emblée aux premières loges, mais elle est constante. Ils sont quasiment Top 200, pour la première fois en qualifications à Roland Garros. La moyenne d'âge dans le Top 100 mondial, qui compte 40 % de trentenaires, n'a jamais été aussi élevée. La porte est donc ouverte. Entre eux, l'émulation paraît jouer à fond, comme une amicale rivalité positive, une fois l'un, une fois l'autre. "Raph" a gagné plus de 600 places en 2022, "Gauth" a fait preuve d'une stabilité nouvelle en 2023. Le second (22 ans, ATP 205) devance le premier (21 ans, ATP 210) de peu au classement mondial. Ils ont tous deux disputé deux demi-finales en tournoi ATP Challenger cette année, et Raphaël sa première finale en Italie fin avril. 

"On est amis"

"Ils ont la même formation mais des styles et gabarits très différents. Ils sont "incomparables", dit Steve Darcis. Onclin essaie d'agresser, de prendre le jeu à son compte, avec un redoutable coup droit et un service encore à travailler. Collignon est plus grand, avec une première balle qui fait mal, du physique, une solidité en fond de court, et encore trop de difficultés à "tuer" certains matches. "Avec Gauthier, on se connaît par coeur, on est amis, on discute de nos matches, on fait des choses ensemble même en dehors du tennis", souligne Raphaël. "Quand on joue l'un contre l'autre en tournoi, c'est chacun pour soi, mais c'est aussi très particulier. On faisait déjà partie de la même équipe interclubs à 8 ou 9 ans, on est entré au Centre de formation de Mons en même temps, on dort parfois dans la même chambre, on s'entraîne tous les jours l'un avec l'autre, on partage les mêmes coaches. A chacun ses qualités et son rythme. Le plus important, à la fin, sera de pouvoir dire que l'on est allé au bout de ce que l'on est capable de faire."

"Un peu un rêve"

Q. Lors de ces premières qualifications en Grand Chelem, vous n'avez pas grand-chose à perdre et tout à gagner, vous les abordez sans pression ?

Raphaël Collignon. C'est une étape que je devais cocher, mon premier objectif pour 2023, d'autant que j'en étais relativement proche, classé 280e mondial en début d'année. L'excitation prime pour l'instant, mais au fur et à mesure, il y aura sûrement un peu de nervosité, de tension. C'est une situation que je n'ai jamais connue. J'étais qualifié pour les Grands Chelems lors de ma dernière année juniors, mais deux d'entre eux ont été annulés en raison de la Covid, et si j'ai finalement pu disputer Roland Garros c'était en octobre, sans public, sans ambiance, rien à voir. 

Gauthier Onclin. Etre ici, c'est un peu un rêve. L'an dernier, j'en étais loin, "Raph" aussi. C'est une première, il n'y a pas d'attente excessive, mais ce n'est jamais évident quand même. Chez les juniors, j'ai la chance d'avoir déjà goûté cette atmosphère, cet engouement, en 2019, et même durant assez longtemps (éliminé par Lorenzo Musetti en simple, il est allé en demi-finale du double, ndlr), c'est un avantage. A titre personnel, je vais essayer de mettre en place ce que j'ai bien fait ces dernières semaines. Il y a quelques jours, lors d'un Challenger très relevé à Bordeaux, j'ai battu un 150e mondial (Elias Ymer) et accroché un Top 40, Ugo Humbert, avec deux balles de break à 5-5 au troisième set. Par la suite, il a dominé Wawrinka puis Gasquet et gagné le tournoi. Je l'avais battu au BW Open, il rentrait d'Australie, il n'avait pas dormi, ce n'était pas le même joueur. Là, j'ai montré que ce n'était pas un hasard, que je peux avoir le niveau par moments. J'étais déçu mais je dois continuer à jouer des matches comme ça, je suis dans le bon, cela finira par passer.

"Un cap compliqué"

Q. On a l'impression que vous avez tous les deux atteint un niveau proche du Top 150, mais on voit bien, notamment avec Zizou Bergs, qu'à partir de là cela devient plus dur...

R.C. De 150 à 100, c'est effectivement un cap compliqué à aller chercher, il faut beaucoup de points. Il y a ceux qui veulent être les meilleurs, qui vont très vite, qui ne se posent pas la question et qui le "craquent" en deux ans. Par contre, pour pas mal de joueurs, il y a aussi quelque chose de mental. Toute ta vie tu te dis que le Top 100 c'est là où tu réussis ta carrière, et quand tu t'en approches, ton bras tremble un peu plus. A la fin de cette année, je voudrais être aux alentours de la 150e place, pouvoir alterner tableau final dans les gros Challengers et qualifications en Grand Chelem ou dans certains tournois ATP. 

G.O. Quand on approche les 100 il y a un "gap" à franchir, c'est sûr, mais j'ai essayé de voir les choses autrement cette année, plus à moyen terme, plus dans la manière de jouer que dans les résultats. Certes, j'aurais aimé disputer une finale de Challenger, ou réussir un gros résultat quand j'en ai été proche, mais la saison dernière je trouvais que je manquais de constance à tous niveaux et j'ai essayé d'y remédier, c'était vraiment l'objectif. Le début 2023 m'y a aidé. Pourtant, j'ai été blessé en fin d'année, j'ai raté le début des compétitions avec "Raph" et Steve, j'ai dû travailler seul à la fédé, mais parfois prendre le temps d'un peu refixer les choses fait du bien. J'ai enchaîné en gagnant dix matches d'affilée, à Bressuire et Louvain-la-Neuve. 

Préparateur(trice) mental(e)

Q. Qu'est-ce qui vous manque le plus au niveau du jeu ?

R.C. Je trouve que "Gauth" a un peu trouvé sa manière de jouer cette année. Il est dans une bonne dynamique, il est difficile à battre, alors que j'ai connu cinq semaines difficiles avec des éliminations au premier tour. Je dois encore apprendre à être plus "tueur", à finir les sets, les matches, à être plus tranchant, à faire preuve de plus d'audace, même si cela va déjà mieux. Je travaille depuis peu avec une préparatrice mentale, Ellen Schouppe, qui s'occupe entre autres de l'équipe nationale dames de basket et du relais 4x400m féminin. C'est frustrant de perdre quand on sait la victoire à sa portée. Il n'y a pas eu un match cette année que je ne pouvais pas gagner, mais ce n'est pas non plus comme si cela m'arrivait tout le temps. Je suis aussi allé en finale après avoir été mené d'un set, 3-4, 15-40; j'ai gagné un match après avoir été mené 5-7, 2-5, et "Gauth" n'a pas remporté toutes les rencontres où il a eu des occasions non plus. C'est le tennis.

G.O. Je suis content de l'évolution, je sens que je dois poursuivre dans cette voie quels que soient les résultats cette semaine, mais je sais aussi qu'il y a plein de détails à améliorer et que je dois encore trouver le moyen de travailler au mieux mon service, c'est mon point faible. Contre un joueur comme Humbert, qui sert très bien, cela peut faire toute la différence. Depuis cette année, je m'appuie également sur les conseils d'un préparateur mental, il s'agit de Michel Villacorta, qui s'occupe également de Joachim Gérard. Je le sens, cela me fait du bien.

Meilleur résultat

Q. Au moment d'entrer dans la "cour des grands", si vous deviez choisir votre meilleur souvenir jusqu'ici ce serait lequel ?

R.C. Je dirais la semaine où j'ai atteint pour la première fois la finale d'un ATP Challenger, en Italie il y a un mois, même si, en étant honnête, j'aurais dû la gagner cette finale. En arrivant là-bas, nous étions persuadés qu'il restait quinze jours avant le "cut" pour Roland Garros. C'est un joueur tchèque, avec lequel je m'entraînais, qui m'a appris que c'était, en réalité, la dernière semaine. Du coup, le stress est monté d'un ou deux crans, mais j'ai quand même su réaliser mon meilleur résultat, en battant aussi Gauthier en quart. Si je ne l'avais pas fait je n'aurais pas été qualifié pour Roland. C'était spécial.

G.O. Pour moi, c'est le BW Open. Après un début de saison tronqué et une reprise réussie dans un tournoi de niveau inférieur, voir tout se mettre en place dans une aussi belle ambiance, et jouer David (Goffin) en demi-finale, avec tie-break au premier set, c'était assez incroyable. Jusque là, je n'avais jamais gagné un match en tableau final de tournoi Challenger.

Q. Et le pire moment de cette jeune carrière ?

R.C. Il date aussi de cette année. Les cinq semaines en février/mars sans victoire m'ont marqué, c'était vraiment dur, tu travailles, tu joues bien à l'entraînement, et tu perds chaque fois au premier tour. Contre un bon joueur, peut-être, mais quand même tu perds, cinq fois de suite.

G.O. Je vais remonter le temps, jusqu'au championnat du monde par équipes des "moins de 18 ans", pour lequel on s'était qualifiés avec Réginald Willems comme coach. A notre âge, c'était quelque chose d'exceptionnel, mais je me suis blessé et je n'ai pas pu participer, c'était très compliqué, vraiment difficile à vivre.

"Légitimité folle"

Q. On voit souvent Ysaline (Bonaventure) redemander la balle avec laquelle elle vient de faire un point, vous avez vous aussi vos petites superstitions ?

R.C. Très peu. Quand ça se passe bien en tournoi, j'aime garder le même banc, des petites choses comme ça.

G.O. J'ai de petits trucs moi aussi. Reproduire les mêmes journées, les mêmes horaires, garder le même rythme au quotidien.

Q. Steve Darcis, c'est un peu lui votre... talisman ?

R.C. Je ne sais où nous serions s'il n'était pas là, mais c'est une chance énorme de l'avoir, et pour les jeunes du Centre  de pouvoir profiter de Thierry (Van Cleemput) comme guide. Quand ils parlent, t'as envie d'écouter, ils ont une légitimité folle. Steve, tu sais qu'il a raison, et pourtant parfois tu ne fais pas ce qu'il dit, parce que tu es bête comme moi, que tu as tes croyances... (sourire)

G.O. J'ajoute l'expérience de quelqu'un comme Ananda Vandendooren, c'est très positif. Pouvoir m'entraîner tout le temps avec un mec comme "Raph" qui a un super niveau, c'est une chance aussi, cela m'aide beaucoup. Le seul petit bémol c'est que c'est du partage, un peu moins du coaching individuel, mais dans notre situation comment pourrions-nous trouver et payer de tels entraîneurs ?
 

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