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Bilan 2016 : un mal pour un bien pour Ysaline ?

On fait le point sur l'année des élites francophones avec Michaël Dermience, directeur technique de l'AFT à Mons.

La saison 2016 touche à sa fin pour tout le monde. Certain(e)s jouent encore, selon les agendas particuliers, mais le temps est également venu de souffler, puis d'utiliser fin novembre et décembre à préparer 2017, à se refaire une santé et une condition physiques, à améliorer tennistiquement et mentalement ce qui peut ou doit l'être. L'heure est aussi au bilan au niveau fédéral pour tous les joueurs et joueuses qui concernent l'AFT, qu'elle les forme encore ou les soutienne d'une manière ou d'une autre. 
 
On peut commencer par y accueillir Maryna Zanevska, la protégée de Philippe Dehaes, Ukrainienne d'origine, Brabançonne et Namuroise d'adoption, officiellement Belge depuis peu, à 23 ans, et donc membre du Team Girls AFT. Une belle et attachante recrue à tous points de vue, humain et sportif, à laquelle la naturalisation nouvellement acquise a donné des ailes puisqu'en un mois, à cheval sur septembre et octobre, elle a remporté quatorze matches sur quinze, gagnant deux 50.000 dollars dont un + H, et disputant la finale d'un 25.000. Ce qui lui a permis de récupérer le retard concédé malencontreusement cet été en raison d'une fracture de fatigue au pied qui l'a éloignée des courts durant deux mois. De sa 127e place mondiale, sans nouveau contretemps physique ou émotionnel, on l'attend à l'assaut du Top 100 l'an prochain, et prétendante à une sélection en Fed Cup.
 
Bonaventure : deux mois de physique à Mons

C'est exactement ce que l'on aurait pu espérer d'Ysaline Bonaventure, 22 ans, si elle n'avait pas disons "vendangé" 2016. Un millésime qui a pourtant bien commencé. Notamment à Brisbane où elle a éliminé Hantuchova, Vesnina et tenu un temps la dragée haute à Azarenka, faisant dire en privé au coach de Victoria, notre compatriote Wim Fissette, qu'Ysaline a le tennis pour le Top 100, tout en émettant de nettes réserves sur le plan physique. Dans la foulée, la collaboration avec Dominique Monami, aménagée en collaboration avec l'AFT, a tourné court pour incompatibilité de vue quant à la manière d'aborder une carrière pro, et par la suite, à part une demi-finale dans un 50.000 dollars en Hongrie, elle n'a pas montré grand-chose. Depuis la mi-juin, elle n'a même remporté qu'un match, au premier tour des qualifications à l'US Open, pour finalement se fracturer le poignet à l'entraînement début octobre. Elle termine 232e mondiale une année commencée WTA 170, une courbe inverse de celle souhaitée qui devrait malheureusement encore s'accentuer si, comme c'est probable, elle n'est pas apte à défendre la petite cinquantaine de points de janvier 2016. "Cela risque en effet d'être court", indique Michael Dermience.
 
Attentif à l'évolution de la joueuse, protégée de Noëlle Van Lottum en Hollande mais également de plus en plus engagée dans le projet AFT et donc soumise à l'évaluation fédérale, Michaël Dermience n'a pas perdu patience, mais il veut évidemment voir autre chose : "L'année qui vient est clairement une année charnière. Et j'espère que ce qui est arrivé se révélera un mal pour un bien, que cela débouchera sur une prise de conscience dans le genre de celle constatée chez Arthur De Greef cette année. Privée de raquette, Ysa s'est ainsi engagée dans un processus physique de deux mois à Mons avec notre préparateur Fabien Bertrand, un régime très exigeant qui s'accompagne d'un plan nutritionnel strict avec un spécialiste. Si elle tient, va au bout du travail, et reprend la compétition avec l'attitude qu'il faut, je suis vraiment curieux de découvrir les résultats. En 2017, nous devrions l'encadrer également un peu plus au niveau coaching, mais j'attends de voir comment elle évolue, cela dépend d'elle."
 
Monami dans le projet Team Girls

 
Un stage pour le Team Girls AFT était initialement prévu à Tenerife début décembre. Il n'aura malheureusement pas lieu. "Trop de programmes individuels qui ne correspondent pas, d'incertitudes diverses", déplore Dermience, "va-t-on devoir en arriver à exiger un certain nombre de semaines de présence dans l'engagement collectif pour bénéficier de la bourse AFT ?" Engagement dans lequel Dominique Monami reste en tout cas impliquée : "Elle va nous aider à renforcer encore le projet, à lui donner du crédit." 
 
Deux filles, qui se sont beaucoup cherchées jusque là, ont certainement progressé cette année, deux Arlonaises, Hélène Scholsen, 20 ans entraînée par Henri Jacquemin, et Deborah Kerfs, 21 ans qui travaille avec Serge Carpentier, elles ont gagné entre 120 et 150 places au ranking mondial, tandis que Kimberley Zimmerman, qui, elle, ne fait pas partie du projet AFT, a bien refait surface après une année précédente contrariée par une blessure. "C'est bien, mais on ne parle toujours que d'un classement entre la 450e et la 500e place mondiale", signale le directeur sportif fédéral, "elles ont passé une vitesse supérieure, mais il faudra que cela se vérifie sur la durée, que l'année prochaine soit marquée par le même genre de progression."  Cent places plus haut, Marie Benoit en sait quelque chose, elle qui n'a pas su passer un nouveau cap cette année, et a plutôt stagné à la baisse en deuxième moitié de saison. "On la connaît, son travail, son sérieux, son attitude ne sont pas en cause, et on n'est pas inquiet de ce qu'elle pourrait faire de sa vie si elle ne réussit pas dans le tennis où tout potentiel a son plafond. On (et elle) verra ce qu'il en sera en 2017, on continuera de l'encadrer durant 13 à 14 semaines."
 
Une cellule pour Emeline
 
On l'a déjà dit ici, la grande satisfaction féminine des derniers mois n'a que 14 ans : victorieuse des tournois de Saint-Trond et de l'Argayon, championne de Belgique, Emeline De Witte, francophone bilingue de la région de Comines, à cheval sur la frontière française et linguistique, qui s'entraîne à Wervik avec un coach français Antoine Belbeoch, domine les filles de son âge au plan national. Issue d'une famille sportive (un père joueur/entraîneur de basket, une mère bonne tenniswoman au Vautour), après avoir été un moment dans la ligne de mire de Tennis Vlaanderen et d'Ann Devries à Wilrijk, elle a finalement choisi le projet AFT. "On la laisse dans son environnement naturel, mais on l'aide un maximum, on prend en charge le coût de ses entraînements et une grande partie de son encadrement", commente Michaël Dermience, "on compose une cellule autour d'elle, et on l'aide à prendre ses repères au plan international, où la concurrence est tout autre d'autant qu'on la confronte au niveau junior. A cet âge-là, l'essentiel reste d'abord de s'épanouir, et il est toujours stupide de prendre aussi tôt ses rêves pour des réalités, nous l'avons suffisamment vécu par le passé, mais je dirais que le jeu en vaut la chandelle."
 
De Greef : un électrochoc (pré)nommé Oli
 
"Chez les garçons, je ne vais quand même pas vous parler de David (Goffin), même si j'ai l'impression que le grand public ne se rend toujours pas compte de ce que cela représente d'être à un tel niveau sur le circuit masculin", dit encore Michaël Dermience. "De même, je ne m'étendrai pas sur le cas de Steve (Darcis), sinon pour saluer sa remarquable disponibilité lorsqu'il vient s'entraîner à Mons, la manière dont il renvoie l'ascenseur, dont il s'intègre au groupe des jeunes du Tennis Etudes, dont il leur parle. Pour eux, il a l'image d'un leader, c'est un exemple, un moteur."
 
Par ailleurs, la bonne nouvelle de 2016 est certainement venue d'Arthur De Greef qui a l'air de vouloir faire un sort, pour une grande part, à sa réputation d'enfant terrible, progressant de 140 places au ranking mondial au terme d'une saison entamée en 270e position, après avoir disputé quatre finales en tournoi Challenger dont une gagnée face à... Steve Darcis après avoir éliminé Joris De Loore en demi. Ce qui le situe largement, à 24 ans, au troisième rang de la hiérarchie belge, avec néanmoins comme bémol le fait qu'il ne joue quasiment que sur terre battue. 
 
"La brique demeure son terrain privilégié, mais dorénavant il va plus équilibrer avec les autres surfaces, c'est nécessaire pour son évolution, déjà en vue de la rentrée en Australie", dit notre interlocuteur. "Il a atteint les objectifs fixés, qui étaient de se rapprocher cette année du Top 100, il a fait montre de plus de constance sur l'ensemble de la saison, même si Arthur reste Arthur, il a profité du fait qu'il avait peu de points à défendre en seconde moitié de saison, mais peut-être pas encore assez. C'est quelqu'un qui travaille, mais qui a parfois besoin d'un électrochoc pour rebondir quand il est moins performant. Avant, c'était quand il touchait ou voyait le fond, mais, depuis qu'il fonctionne une quinzaine de semaines à ses côtés, Olivier (Rochus) lui fait du bien, le tire vers le haut, anticipe, en quelque sorte c'est lui qui provoque l'électrochoc. L'équipage est en tout cas reconduit pour 2017, avec toujours Arnaud Fontaine en appoint quand les agendas peuvent correspondre."
 
Geens : aller au charbon !
 
On rappellera ici la quasi résurrection de Yannik Reuter, qui nous confiait il y a peu avoir été proche d'arrêter l'an dernier, 450e mondial en avril/mai 2015, et qui finit l'année tout juste aux portes du Top 200 après avoir disputé une finale de Challenger perdue à Brest. A 25 ans, il n'est peut-être pas trop tard ? "Quand je le vois jouer comme à Brest je ne vois pas pourquoi il ne pourrait être Top 100", nous disait Christophe Delheille, le coach qui l'a remis dans le circuit au propre comme au figuré. "En même temps, il n'est pas en avance, la saison prochaine ne sera pas facile, il devra encore faire mieux, s'il veut pouvoir en profiter un peu il ne doit plus trop traîner en chemin. Même si on vit de plus en plus vieux sur le circuit, pour bien faire il faudrait qu'il y arrive dans les deux ans. On le pousse à élargir son encadrement, mais on comprend aussi ce qu'il doit gérer financièrement."
 
Quant aux jeunes de l'AFT, si Omar Salman (19 ans, ATP 537) a avancé "très moyen" ("il doit montrer autre chose, il attend trop de l'extérieur"), Clément Geens, 20 ans, est passé de la 410e à 280e place mondiale, il a même été 245e fin août, il a disputé une finale de Challenger, à Poznan, où il a été battu par le Top 100 Radu Albot après avoir sorti Kamke, Samper-Montana et Coppejans. Mais depuis sa demi-finale fin août à Meerbusch où il a éliminé Janowicz, il n'a plus remporté qu'un match... contre le 1752e mondial. "C'est difficile à analyser", confie Dermience, "au vu du déroulement de la saison il y a de la frustration, on pouvait attendre un bond plus important, il y a des moments très encourageants et d'autres interpellants où l'on peut avoir le sentiment - certainement faux - qu'il ne s'engage pas suffisamment, quand il faudrait aller au charbon. En même temps, c'est quelqu'un d'intelligent, de cérébral même, qui pour le moment manque peut-être juste de solutions dans la gestion émotionnelle. On peut ainsi avoir l'impression qu'il n'exploite pas son potentiel à fond, qu'il fait un blocage niveau confiance en soi ou charge de travail, qu'il est plus dans le calcul, quand Arthur ou Steve ne comptent pas, alors qu'il est à un tournant de sa carrière."
 

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