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Steve Darcis : "Porter des jugements après une année pareille serait une erreur"

Si Steve Darcis a connu des moments mémorables dans sa carrière, il n'oubliera pas les conditions dans lesquelles il a abordé son nouveau job, celui de coach fédéral à la tête du "team pro" AFT : "C'est vraiment hyper bizarre, il faut tout le temps s'adapter, entre break forcé, contraintes pour s'entraîner, difficultés pour voyager, annulations de tournoi, ce n'est pas top mais on ne doit pas non plus trop se plaindre, on a la chance de pouvoir travailler. Je parlerai d'une année mitigée, dont il vaut mieux ne pas tirer trop de conclusions".

Arnaud Bovy vainqueur de Zizou Bergs

Le "team pro" AFT a bouclé sa saison en fin de semaine dernière en Egypte, à Sharm El Sheikh, sous un soleil estival (25/30 degrés). Vu l'hécatombe de tournois dans un calendrier réduit à peau de chagrin, il s'agissait du quatrième disputé en six semaines par nos jeunes pros dans la cité balnéaire, au bord de la Mer Rouge. Lors de cet ultime 15.000 dollars, Arnaud Bovy a atteint les demi-finales, éliminant au passage la tête de série numéro une locale, Karim-Mohamed Maamoun, classé 200 places au dessus de lui, ainsi que le "héros" belge du tournoi d'Anvers Zizou Bergs (7-6, 6-1), "un super match du début à la fin", remarque Steve Darcis. Pour le reste, on doit dire que nos jeunes ont soufflé le chaud et le froid durant cette saison chaotique et tronquée. Arnaud Bovy a mis du temps à digérer les modifications que le staff souhaitait apporter à son jeu. Après son bel été sur un Belgian Circuit très bien fréquenté, on n'a plus retrouvé le Gauthier Onclin vainqueur au Bercuit et à Visé une fois les tournois internationaux revenus. On espérait un peu plus qu'un deuxième tour de la part de Raphaël Collignon à Roland Garros junior compte tenu de ses qualités. Avec encore une saison juniore en vue, Pierre Yves Bailly et Martin Katz ont, en revanche, très bien terminé l'année, le premier nommé alignant trois finales d'affilée dont une victoire en grade 1. "On forme un (bon) groupe, mais on peut difficilement tirer un bilan d'ensemble, les trajectoires sont individuelles", dit Darcis, "avec Ananda (Vandendoren), Julien (Onclin) et Alex (Blairvacq) on est là pour les pousser, les guider, les soutenir, on est tout le temps derrière eux, mais c'est leur carrière, pas la nôtre. Par rapport à d'autres, ils ont la chance d'être à la fédé, je le sais j'y suis passé, il faut en être conscient et en faire une arme, cela commence à "entrer" mais chaque cas est particulier. Il y a eu du bon, du moins bon, du pas bon du tout, difficile de se situer après une telle année, par contre si tout se déroule à peu près normalement 2021 sera important pour certains." 

"Il faut arrêter de se plaindre"

Steve s'est donc replongé dans la "jungle" ingrate des tournois ITF Future, dont il est si difficile de s'extraire, surtout pour des joueurs qui, au contraire des Français, Espagnols ou Italiens, n'ont pas un accès privilégié à l'étage au dessus, des tournois Challengers organisés "à la maison" comme chez nous à Mons précédemment. On a vu sur quoi cela pouvait déboucher à Roland Garros avec Hugo Gaston et à Anvers avec Zizou Bergs... en même temps on doit bien constater dans les deux cas que la belle expérience ne garantit rien pour la suite. "C'est vrai que les grands pays ont des avantages, mais on ne doit pas se plaindre", insiste Steve Darcis, "quand j'ai commencé il n'y avait rien en Belgique, de nombreuses initiatives ont vu le jour, et cette année encore, outre Anvers, il y avait cinq tournois internationaux prévus durant l'été, dont deux 25.000 dollars. Il faut arrêter de dire que c'est trop dur. C'est un passage obligé, à eux de faire en sorte qu'il soit le plus court possible, et l'essentiel des frais est supporté par la fédération, d'autres n'ont pas cette chance. Bien sûr, comme il y a moins de tournois à cause de la pandémie ils sont plus relevés, c'est plus difficile. Bien sûr, les conditions d'hébergement, d'entraînement, la qualité de la nourriture ou des balles ne sont pas au niveau des grands tournois, et il faut parfois se lever à 6 h du matin pour avoir un terrain avant les matches. Mais en Egypte, si le fait de vivre quatre semaines au même endroit comme ils l'ont fait peut devenir lassant voire "rébarbatif" à la longue, il y avait le soleil, un hôtel correct avec les terrains juste à côté, une nourriture sous forme de buffet immuable mais pas désagréable même si ce n'était pas l'Italie (sourire)... bref ce n'est ni le paradis, ni le bagne, rien en tout cas qui puisse servir d'excuses."

Top 5 mondial junior

Le "team pro" AFT comprend pour l'instant cinq joueurs. Steve passe leur année 2020 en revue, du plus âgé au plus jeune :



- Arnaud Bovy, 20 ans, ATP 598. "On a effectivement essayé de faire évoluer le jeu d'Arnaud, pour le rendre plus incisif, plus agressif, sans qu'il monte au filet comme un dingue pour autant. Il a un super physique, l'idée c'est qu'il l'utilise différemment. Il a fallu du temps, les habitudes étaient bien ancrées, mais ces dernières semaines j'ai le sentiment qu'il a compris, c'est de bon augure pour l'an prochain."

- Gauthier Onclin, 19 ans, ATP 649. "Il a vécu un super été, puis s'est blessé, au genou, au mollet, on n'a pas pu bosser physiquement et tennistiquement avec lui comme on l'aurait voulu, il s'est retrouvé dans le doute, le manque de confiance, il s'est posé beaucoup de questions. Il lui reste de petits efforts à faire sur la mentalité, la manière de travailler, mais il a le potentiel d'un bon joueur, il a des coups exceptionnels, il peut nous surprendre."






- Raphaël Collignon, 18 ans, 31e mondial junior. "Il a commencé les tournois Future, il a vu ce que c'était. Il a progressé dans tous ses coups, il réalise des parties de match incroyables et d'autres où il arrête un peu de jouer, comme tétanisé. Il a perdu contre des adversaires pas plus forts que lui, y compris à Roland Garros, les capacités il les a, il manque de confiance en lui, il a du mal à oser, à entreprendre quand c'est tendu et qu'il sent qu'il peut gagner. Il doit trouver une solution pour lâcher les chevaux dans ces moments-là aussi. C'est décevant dans un sens mais très encourageant dans l'autre. En l'état actuel des choses, il ne pourra bénéficier l'an prochain des avantages offerts par la fédération internationale (ITF) aux meilleurs juniors sur le circuit pro jusqu'à l'âge de 19 ans - son anniversaire tombe en janvier -,  c'est injuste après une saison amputée aux trois quarts. On a contacté l'ITF qui pourrait prolonger d'un an, on saura quoi mi-décembre." 


- Pierre-Yves Bailly, 17 ans, 30e mondial junior. "Sa position actuelle dans la hiérarchie mondiale n'est pas celle qu'il occupera début janvier lorsque les juniors dernière année de 2020 ne figureront plus dans le classement. Pierre-Yves sera alors Top 5 pour entamer son ultime saison dans la catégorie, il faut reconnaître que c'est exceptionnel, à l'image de ses résultats des dernières semaines face à de très bons joueurs il n'y a pas de secret. C'est un gros travailleur, qui s'entraîne énormément, met beaucoup d'énergie et d'intensité dans son jeu. Il est parfois un peu trop dur avec lui-même. Qu'il continue sur cette lancée, en mixant grands rendez-vous juniors et tournois Future en 2021, c'est prometteur."



- Martin Katz, 17 ans, 96e mondial junior. "C'est un autre gabarit de joueur, qui doit certes s'étoffer physiquement dans des domaines où il est encore un peu léger, mais je dois avouer que Martin nous a même un peu surpris cette année. Agréablement. Il en est justement récompensé, il sera Top 30 mondial en janvier dans le classement "nettoyé", ce qui n'est pas rien, avec accès aux Grands Chelems pour sa dernière saison chez les juniors, ce n'est pas une progression fulgurante mais constante, il a gagné de super matches, c'est vraiment très bien."  

"Pas de souci pour David"

On suppose que l'ancien 38e mondial, qui se dit convaincu que l'un ou l'autre des joueurs de son "team" peut faire une carrière genre Top 100, a suivi d'un autre oeil, comme tout le monde, la seconde moitié de saison ATP, et la percée du duo Thiem/Medvedev concrétisée au Masters avec un remarquable niveau de jeu. Est-ce enfin l'heure de la relève ? "On a de nouveaux vainqueurs en Grand Chelem et au Masters, c'est bien, une concurrence accrue ne peut que relever encore le niveau", note Darcis, "il est possible que quelque chose soit en train de changer et que l'on va titiller un peu plus les trois meilleurs, mais ce n'est pas la première fois qu'on en parle, seul l'avenir dira si c'est un peu plus sérieux cette fois. Porter des jugements péremptoires après une année pareille serait une erreur selon moi." Cela vaut aussi pour David Goffin on le suppose... et on l'espère. "Sa fin de saison n'a pas été bonne, il en est sûrement le premier conscient. Peut-être y a-t-il des choses que l'on ne sait pas, qui l'ont tracassé. J'avoue avoir été surpris que ce soit fini avec Thomas (Johansson), il me semblait que cela fonctionnait, je trouve que David avait encore progressé dans son tennis. Avec un peu plus d'âge et de bouteille il aspire peut-être à une relation un peu plus "pote", mais je ne me fais pas de souci pour lui, il a fait le ménage, je vois qu'il se (re)prépare à fond avec Fabien (Bertrand, son préparateur physique) chez lui à Monaco et que l'envie est là, son niveau n'a pas disparu."
 

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