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La réforme a déjà porté ses fruits : "20% de participation en plus aux tournois"

La réforme des classements et des compétitions a produit ses premiers effets et nécessité ses premiers ajustements. Samuel Deflandre, qui succédera le 1er mai à Pierre Delahaye comme secrétaire général de l'AFT, en tire aussi les premières leçons. Entretien.

Si, comme Obelix au fond du chaudron de potion magique, vous êtes tombé tout petit dans la marmite tennistique, vous jongliez sans doute avec les calculs définissant votre classement de joueuse ou de joueur selon les données immuables qui régissaient notre sport depuis près de cent ans. Tout le monde s'accordait à dire qu'il était temps de rafraîchir tout ça,  et de s'affranchir de quelques dérives régionales qui s'étaient développées au fil des saisons. Un travail de bénédictin de la raquette qui aura finalement duré quatre ans de part et d'autre de la frontière linguistique. A l'impossible nul n'étant tenu, l'objectif n'était pas de rendre le système plus évident au non initié, vu hors tennis cela paraît toujours aussi compliqué, mais de bousculer un certain conservatisme, d'unifier les pratiques, de rendre une logique à la hiérarchie des classements, ce qui était loin d'être le cas, de moderniser le vieux système d'addition des points, qui engendrait de mauvais réflexes, et de le remplacer par une moyenne des huit meilleures compétitions disputées sur une année, selon le principe on ne perd plus de points on en gagne. 

Bien sûr, un plan se déroule rarement  sans accroc du premier coup, et le nouveau système a fait "sa maladie" en 2019, comme le reconnaissait Pierre Delahaye ici même au Nouvel An. Son (futur) successeur, Samuel Deflandre, confirme "2% de critiques pas plus", mais souligne que la fédé ne les a pas attendues pour opérer les rectifications qui s'imposaient avant même la parution des premiers classements new look, et qu'elle poursuivra dans cette voie. "On a reçu des félicitations et remerciements pour l'humilité dont nous avons fait preuve en la circonstance", indique-t-il, "mais c'est oublier le sens de notre mission qui est d'oeuvrer pour le bien du tennis et de ses affiliés. Nous n'avons traité aucun cas individuellement, mais l'administration AFT, Paul-Patrick Brabant en tête, a mis un point d'honneur à répondre en direct à toutes les questions ou réclamations qui nous étaient adressées."

"Très positif dans certains domaines"

Question: Quel bilan tirez-vous de la première année d'une réforme qui est sûrement la plus importante depuis la création des deux Ligues linguistiques il y a quarante ans ?

Samuel Deflandre : Elle a permis de modifier les différentes catégories de joueuses et joueurs adultes (de C30.6 à A international) ou jeunes, et de les uniformiser sur le plan national. A l'intérieur même de l'AFT, d'une région à l'autre, les différences de niveau pour une même catégorie étaient parfois non négligeables, ce qui, surtout sur un territoire aussi peu étendu que le nôtre, n'était ni sain, ni cohérent, il était plus que temps de revoir ça. Il nous a dès lors paru opportun d'y réfléchir avec nos collègues de Tennis Vlaanderen et de travailler au niveau belge à un autre système d'accès aux catégories, de calcul de classement, ce qui n'avait jamais été réalisé depuis la scission. Une démarche extrêmement délicate et complexe qui a coûté l'une ou l'autre nuit blanche à quelques-uns d'entre nous et dont on a donc pu mesurer les premiers résultats en 2019. Je peux dire qu'ils sont très positifs dans certains domaines, mais l'expérience nous a aussi permis de mettre le doigt sur ce qui doit être amélioré, particulièrement dans le calcul des classements, il faut avoir l'humilité de l'admettre, d'entendre les doléances constructives, et de remettre l'ouvrage sur le métier, c'est notre rôle.

 "Les clubs sont contents, les joueurs plus libérés"

Q. Faisons-nous plaisir, commençons par ce qui a été bien reçu...

S.D.: Globalement, si l'on se place au niveau des clubs, les échos sont très positifs, notamment pour ce qui concerne la participation aux compétitions. Un des objectifs de la réforme était de faire en sorte que celles ou ceux qui ont envie de jouer les tournois ne soient pas freinés par des éléments "extra-sportifs", en l'occurrence la mise en péril d'un classement acquis. Le nouveau système qui valorise la participation et gomme ce qui est contre-performance, perte de points, etc, a débouché sur une forte augmentation de la participation dans les tournois, principalement dans les catégories adultes. C'est de l'ordre de 20%, les clubs sont donc contents et les participants jouent plus libérés, ce qui était le but recherché. En revanche, côté jeunes, un constat inverse s'est imposé à nous. Il y avait beaucoup de tournois au calendrier, avec de petits tableaux, on a essayé de canaliser tout ça, en diminuant leur nombre, ce qui a effectivement augmenté la qualité et le volume des tableaux dans les tournois qui subsistaient, mais aussi le nombre de kilomètres pour les intéressés, et au décompte final le bilan n'est pas celui que l'on escomptait, on a décidé quelques adaptations à la recherche d'un meilleur équilibre.

"Pour monter il faut qu'une place se libère plus haut"

Q. Quelle est donc cette fameuse problématique des classements qui a tant fait jaser dans le tennis amateur ?

S.D. : Le plus important c'est la philosophie qui préside au nouveau calcul, une philosophie positive, qui, si elle n'incite pas quelqu'un à jouer, ne l'incite en tout cas pas à ne pas jouer s'il en a encore envie, par peur de perdre des points. Vous voyez toute la différence ? Je m'inscris dans un tournoi, je fais du mieux que je peux, et à la fin je vois si les points que j'ai gagnés comptent ou pas parmi mes meilleurs résultats, ceux qui déterminent mon classement. Cette philosophie-là, qui encourage à jouer, on n'y bougera pas, elle a déjà montré ses bons résultats. Avant, on pouvait viser une "perf" contre un mieux classé pour prendre les points et laisser filer par la suite. Aujourd'hui, les points sont distribués différemment, outre ceux accordés pour la participation, ils tiennent toujours compte du niveau de l'adversaire que l'on bat mais également du nombre de victoires alignées et du stade que l'on atteint dans la compétition, on veut que ceux qui jouent pour gagner le tournoi y trouvent avantage. Parallèlement, on est parti sur une perspective pyramidale pour tous les joueuses et joueurs adultes, avec par définition une base large qui se rétrécit au plus on monte dans la hiérarchie, l'objectif étant d'éviter les déséquilibres sur l'ensemble des classements que l'on constatait auparavant. Mais l'affilié doit dès lors comprendre que pour monter il faut qu'il y ait une place qui se libère plus haut dans la pyramide, et que s'il n'y en a pas c'est que les autres joueurs belges de même classement, ou du classement au-dessus, ont au moins fait aussi bien que lui. D'autre part, si on ne perd plus de points, on peut quand même toujours descendre (d'un échelon par an, pas plus) si on n'en a pas gagné assez pour rester dans sa catégorie. Je rappelle également que pour leur apporter un plus grand dynamisme les classements seront actualisés deux fois par an, en mai et en octobre, à partir de cette année 2020.

"On a accordé trop d'importance aux interclubs"

Q. D'où sont venues les principales remarques négatives à la sortie des premiers classements nouvelle formule ?

S.D. : Ce que l'on n'avait pu mesurer suffisamment, parce qu'on manquait de données pour le faire, c'est l'impact des interclubs sur les classements. On encourage les gens à les jouer, ce qui est évidemment une bonne chose, mais, pour ce faire, on leur a accordé trop d'importance. En suivant de près les résultats ainsi que les calculs qui en découlaient, tout en comparant avec l'ancien système pour une même situation, on a constaté d'importantes incohérences. En disputant trois matches d'interclubs on pouvait parfois monter de trois classements, parce qu'on avait pris beaucoup trop de points par rapport à l'ensemble de la pyramide, et notamment par rapport à ceux qui ne jouent que les tournois. Grâce à ces simulations, on a déjà pu rectifier pas mal de choses avant la sortie des premiers classements, sans quoi on aurait déséquilibré l'édifice avec des joueurs largement surclassés et d'autres sous-classés. Certains, surtout plus âgés, qui jouent principalement les interclubs, se retrouvaient beaucoup trop haut dans la pyramide par rapport à leur niveau, ce dont ils n'étaient pas demandeurs, on a ainsi décidé pour cette fois de plafonner, en fonction de la catégorie d'âge, le nombre de montées de classement possibles (4 pour les 15 ans et plus, 3 pour les + 35, 2 pour les + 45, 1 pour les + 55). Le souci c'est qu'après ça on s'est rendu compte que des difficultés persistaient, pénalisant l'un ou l'autre groupe de joueurs. Nous aurions pu ne rien changer et attendre le prochain calcul en mai, mais il nous a semblé opportun de revoir à nouveau le calcul des joueurs concernés dès à présent. On a par exemple reçu des plaintes provenant notamment de plus jeunes qui estimaient, compte tenu de résultats probants, mériter de monter plus haut que le plafond que l'on a fixé pour la majorité des affiliés. On parle ici d'un millier de joueurs sur un total national d'environ 235.000 affiliés. On leur a donc laissé la liberté de se "déplafonner" s'ils s'estimaient injustement pénalisés, une mesure évidemment exceptionnelle parce qu'on s'est immédiatement servi de cette expérience pour aménager le calcul du prochain classement au mois de mai, selon une formule adaptée qui sera dévoilée en détails dans quelques jours.

"A la place qu'ils méritent dans 95% des cas"

Q. En deux mots, à quoi doit-on s'attendre en 2020 ?

S.D. : Je veux d'abord dire que les mesures prises pour l'instant permettent aux joueuses ou joueurs de se situer à une place qui leur correspond et qu'ils méritent dans 95% des cas. On se doutait que le nouveau système, aussi nécessaire soit-il, aurait besoin de deux ou trois ans pour trouver son équilibre, pour que tout le monde s'y adapte et que chacun puisse suivre quotidiennement l’évolution de son classement comme par le passé. On a tiré les leçons de douze mois post réforme, où l'on a essuyé les plâtres inévitables, et on a décidé de modifier la méthode générale de calcul en y intégrant les interclubs au même niveau que les tournois. La démarche a bénéficié du soutien d'un statisticien qui a énormément travaillé toutes sortes de simulations avec nous pour que lors des prochaines parutions en mai et octobre on puisse continuer d'affiner la méthode, qu'elle soit de plus en plus plus juste par rapport au niveau des joueuses/joueurs et de leur activité tennis. Il n'est évidemment pas normal que quelqu'un qui a disputé deux ou trois matches puisse justifier de ce fait deux ou trois montées de classement. Globalement, on a trouvé une formule pour que le principe de calcul de points en interclubs soit identique à celui appliqué en tournois, pour que tous les matches disputés, dans l'une ou l'autre de ces compétitions, se retrouvent sur pied d'égalité. Parmi d'autres éléments pris en compte, et toujours sans entrer dans le détail, nous avons par exemple élargi le champ des jeunes "moins de 13 ans" susceptibles de jouer chez les adultes (-15 ans et plus). Comme je l'ai dit plus haut, nous préciserons très bientôt l'ensemble des corrections apportées pour le calcul 2020, nous communiquerons de la manière la plus précise et la plus claire possible.
 

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