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Joachim Gérard battu en finale de Roland Garros : "Je m'y suis vu, cela ne peut pas arriver"

On a bien cru Joachim Gérard parti pour remporter le premier titre du Grand Chelem, version tennis en fauteuil, de sa belle carrière, mais, au troisième set, après une interruption pour soins médicaux tombée fort à propos pour le Britannique Alfie Hewett, il a d'un coup perdu pied dans le "money time". Dommage. Il n'a jamais été aussi près.

Joachim Gérard ne pourra pas dire qu'il n'a pas eu les occasions pour conclure à son avantage sa deuxième finale de Grand Chelem, samedi, dans le cadre grandiose du stade Suzanne Lenglen. D'ailleurs, il ne le dit pas. Au contraire, même s'il reste sur le meilleur tournoi majeur qu'il ait disputé, il se veut sévère avec lui-même. "J'estime qu'il faut savoir l'être, la déception est énorme", insiste-t-il, "la plupart du temps je me suis bien battu, sauf sur la fin, mais j'ai commis de grosses erreurs et je n'ai pas passé suffisamment de premières balles." C'est tellement vrai que, dans une première manche (perdue 4-6) commencée tambour battant en s'appropriant deux fois l'engagement adverse, il n'a su prendre qu'une fois son service. Dans le deuxième set, à nouveau serré mais qu'il a mené le plus souvent, il a cette fois pu confirmer son avantage (6-4), et surtout entamer la manche décisive comme il le fallait. C'est toute l'histoire de cette finale. A 3-1, 0-30 après deux doubles fautes, le Britannique fit appeler le kiné, se plaignant de l'épaule gauche. A quel point était-il blessé ? "Lui seul le sait", glisse Joachim. Toujours est-il que l'incident fit basculer le match. Après cinq minutes d'arrêt, notre compatriote, qui semblait avoir tout en mains, mena encore 0-40, avant de s'éteindre complètement, malgré quatre balles de double break pour faire 4-1, et encore deux balles de 4-2 à 40-15 lors de son jeu de service suivant. Au lieu d'un 5-1 tout-à-fait jouable on se retrouvait à 3-3, le Britannique, qui n'en demandait pas tant, n'avait plus l'air d'avoir mal du tout et n'est pas du genre à lâcher l'affaire, filait au but (3-6) sans plus guère d'opposition. 

"C'est plus moi qui perds que lui qui gagne"

Avec le recul, on peut presque dire que l'appel au kiné c'est "bien joué" de la part d'Hewett qui, comme tous ses rivaux, connaît le point faible mental du Brabançon. "Je pense qu'Alfie a dû faire un faux mouvement sur un smash spectaculaire lors d'un point précédent", dit le coach de Joachim, Damien Martinquet, "mais il aurait peut-être pu attendre la fin du jeu, cela aurait pu changer la donne." "Qui sait cela aurait peut-être été pareil sans l'interruption", insiste le joueur belge toujours correct. Ces quelques minutes sans rien faire, avec un premier titre en Grand Chelem, l'objectif d'une carrière, à portée de raquette, étaient forcément propices à gamberger. "J'avais des feuillets à lire pour me recentrer, garder le cap", continue Joachim, "mais il y a plein de pensées qui vous traversent l'esprit, dans tous les sens, et quelque part dans la tête je m'y suis vu, certainement, alors que cela ne peut pas arriver avant la dernière balle. Après, à partir de 3-2, je n'étais plus là, plus présent, ni physiquement, ni mentalement, j'ai carrément disparu. Tout mon jeu a bien évolué ces derniers mois, cela s'est vu dans ce Roland Garros, mais il reste manifestement des choses à travailler, avec toujours ce point mental sensible. On l'a encore vu avec Djokovic en demi-finale. Il a cette balle de match au troisième set qu'il ne prend pas, après il perd les deux manches suivantes, mais il est encore là pour gagner la cinquième, toujours présent, d'un bout à l'autre, c'est la marque des grands. Dans ce tournoi je me suis longtemps donné à 100 % mais, à la fin, j'ai le sentiment que cette finale c'est plus moi qui la perds qu'Hewett qui la gagne."

"Ne pas oublier le positif"

Caramba encore raté, donc, notre compatriote reste le seul, parmi les six premiers du classement mondial, à ne pas encore avoir remporté un titre du Grand Chelem, alors qu'il compte quatre Masters à son palmarès face aux mêmes joueurs. Signe indien ? "Encore une fois, je n'ai pas l'impression de faire une fixation là-dessus, même si ça doit exister dans un coin de mon esprit, je sais que j'ai les moyens tennistiques et physiques pour y arriver, reste à contrôler toutes les émotions. J'y suis arrivé jusqu'à 3-1 dans le troisième set." "Il ne faut pas non plus se flageller", rectifie son coach Damien Martinquet, "c'est humain de gamberger quand on a du temps devant soi, et l'adversaire sait qu'on peut le déstabiliser, mais je trouve que, mentalement, il a également progressé ces derniers temps, sans quoi il ne se serait pas imposé en demi-finale contre Kunieda. On parle du troisième set, mais il aurait déjà pu se faciliter la tâche au premier, il aurait aussi bien pu le gagner 6-2 que mener 5-1 dans le troisième. A chaud, juste après la défaite, c'est la déception qui domine, on s'en veut, c'est normal, mais ensuite il faut se projeter dans l'avenir avec le positif de cette semaine Porte d'Auteuil, abordée après un premier tournoi raté sur terre battue. C'est la surface qui lui convient le moins et sur laquelle il a finalement joué son meilleur tournoi du Grand Chelem. Cette année il a atteint les demi-finales dans deux tournois majeurs, et la finale dans le troisième où il n'a jamais été aussi près de son rêve. On avance. Il va en gagner un bientôt, j'en suis sûr, tout le monde en est sûr." En attendant, à la mi-novembre, aura-t-il l'occasion de défendre son titre au Masters et y briguer un cinquième sacre ? A un mois de l'échéance, le calendrier reste flou. "Ce ne sera certainement pas aux Etats-Unis, mais la fédération internationale parle de l'organiser en  Hollande", dit Joachim, "on devrait en savoir plus rapidement."
 

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