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Joachim Gérard : "Je veux être numéro un mondial un jour"

En remportant son premier Grand Chelem en fauteuil, mercredi, à l'Australian Open, Joachim Gérard a probablement passé un nouveau cap dans sa carrière, en tout cas sur le plan psychologique. Si, par le passé, son mental lui a déjà joué des tours, dos au mur à Melbourne, il a su triompher en demi-finale et en finale des situations les plus plus improbables. 

6-0, 4-0

Joachim Gérard le tient enfin ce premier triomphe majeur après lequel il courait depuis plusieurs saisons et qui en appelle d'autres. Déjà quadruple vainqueur du Masters, il lui manquait cette couronne qui lui avait échappé de peu cet automne à Roland Garros, et il l'a obtenue après une finale où il est de nouveau passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, puisqu'il l'a dominée de la tête et des épaules durant dix jeux, menant étonnamment 6-0, 4-0, mais son adversaire, Alfie Hewett, qui l'avait battu Porte d'Auteuil, n'est pas Britannique pour rien, reprenant progressivement pied dans le match il a réussi à aligner à son tour six jeux de suite pour égaliser à une manche partout (4-6). On avait rarement vu ça, et on pouvait se demander comment Joachim, au mental jugé (y compris par lui-même) parfois friable, digérerait un tel renversement de situation, mais, comme en demi-finale face un autre "british fighter" Gordon Reid (il était mené 4-6, 0-3), il a trouvé les ressources, dos au mur, pour repartir à la bataille, non sans avoir besoin de six balles de match, les quatre premières sur le service de son adversaire, avant de s'imposer 6-4 à la septième. 

Parrain comblé

Cela valait bien un extraordinaire cri de rage, de soulagement et de bonheur (que nous ne reproduirons pas ici par égard aux oreilles trop tendres) une fois la dernière balle gagnée, le tout agrémenté d'un discours officiel les yeux mouillés (Hewett a d'ailleurs "craqué" lui aussi au terme de ces cinq semaines chaotiques au bout du monde), notamment lorsque le Brabançon a rendu hommage au staff qui l'accompagne, son coach Damien Martinquet et son préparateur physique Quentin Verriest : "Je la voulais tellement cette victoire, et sans eux je sais que je n'y serais pas arrivé", a-t-il répété, avant de conclure sur un message personnel : "Ce trophée, je ne pouvais pas rentrer sans. Je suis le parrain d'un petit Charlie né prématuré fin janvier. Son père m'a dit que les conditions pour qu'il quitte l'hôpital sont qu'il mange bien, prenne du poids, et que je ramène la Coupe à la maison." Il pourra dire "mission accomplie" en posant le pied sur le tarmac de Zaventem vendredi vers 13 h. Ne manquait qu'un petit mot pour le regretté Marc Grandjean qui fut plus que son entraîneur et doit jubiler là-haut, un geste vers le ciel l'a rappelé : "Il y aura bientôt deux ans qu'il est parti mais il est toujours là, dans mon coeur." Chair de poule garantie.

Félicitations royales

"Je ne sais trop comment en parler, se dire que l'on a gagné un Grand Chelem c'est tellement impressionnant, je préfère d'ailleurs ne pas réaliser tout de suite, prendre le temps d'en profiter", souriait encore le Brabançon, assailli de messages de félicitations, y compris de la Maison Royale, "quel exemple de travail, de talent et de persévérance !" a transmis le Palais. "Pour dire vrai, je savais que je ramènerais un tel titre à la maison, d'ailleurs tout le monde me le disait. La question c'était quand, tout comme je veux être numéro mondial un jour, je travaille pour ça. Certains jours on s'amuse, d'autres on souffre plus, et puis il y a des jours où on est récompensé. Toutes les émotions, les déceptions et les frustrations se sont extériorisées d'un coup quand j'ai vu que sa dernière balle était dehors, je les ai montrées au monde entier.

"Arrêter de penser, et jouer"

Mais comment a-t-il vécu, sur le moment et tout au fond de lui, l'invraisemblable remontée du Britannique au deuxième set, alors qu'il était maître du jeu jusque là, surtout après la défaite en finale de Roland Garros où il menait déjà 4-1, quatre balles de double break, au troisième set face au même adversaire ? "C'est ma fierté", lance-t-il, "celle de ne pas être resté dans la tête avec cet avantage de 4-0 que j'avais laissé échapper et d'avoir pu me reconcentrer sur la seule chose qui comptait vraiment désormais, refrapper la balle plus fort, le refaire bouger plus, et gagner le match au troisième set, point par point. Arrêter de penser, ce que j'ai tendance à trop faire je me connais, se concentrer sur le moment présent, et jouer. A cet égard le dernier jeu du match est symbolique à mes yeux, je crois n'avoir servi que des premières balles alors que la pression sur le jeu était à son maximum. Mais le dire c'est bien, le faire c'est mieux, il faut le prouver, travailler mon mental reste un job de tous les jours, sinon je n'aurais pas laissé filer autant de jeux de suite au deuxième set. Si je veux être numéro un je dois remporter plus d'un Grand Chelem par an, et performer dans les autres tournois, mais les autres sont bons aussi, ils voudront ma peau." Il peut au moins dire qu'en 2021, avec ces deux tournois gagnés à Melbourne, c'est bien parti. Rendez-vous à Rotterdam début mars.

Son coach : "Il y a un an ce match il l'aurait perdu"

Au nom d'un staff, et même d'un entourage, qui fait drôlement bien son boulot. L'entraîneur tennis Damien Martinquet est un de ceux qui a le plus insisté sur l'aspect tennistico-mental chez Joachim. "J'avais l'impression de faire ce qu'il fallait pour être prêt", reconnaît le joueur qui, à 32 ans, gagne forcément aussi en maturité, "mais Damien est toujours derrière moi, parfois même un peu trop, pour me dire que ce n'est pas assez, et je sais que c'est pour ça que je deviens meilleur." "Je crois en lui, je sais qu'il a les armes pour battre tout le monde", dit Martinquet, "et si devenir numéro un mondial est un objectif pour le futur, il passera par plus de régularité dans la victoire. A-t-il passé un cap à Melbourne ? Disons qu'à 4-0, balle de 5-0 au deuxième, le titre se profilant, il n'a pas "donné" les points à l'adversaire comme il l'a déjà fait dans le passé, il a juste trop joué la sécurité sans vraiment y aller, un peu poussif, tandis qu'Alfie, n'ayant plus rien à perdre, se lâchait et frappait plus fort. Tout son mérite c'est d'avoir su faire abstraction de ce qui venait de se passer, surmontant la perte de ce deuxième set mais aussi des six balles de match de la manche décisive pour quand même retourner au charbon et aller chercher le titre, alors qu'à 5-4 Hewett est encore revenu de 40-0 à 40-30. Le travail des derniers mois paie enfin, je suis convaincu qu'il y a un an ce match il ne l'aurait pas gagné, il aurait réagi trop tard. Là, il y est parvenu, il a poussé une porte, il sait ce qu'il a dû faire, c'est une expérience dont il pourra se servir, qui élargit son éventail de solutions. Il a gagné en champion."
 

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