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European Open d'Anvers : une finale inoubliable et 25% de spectateurs en plus

Superbe apothéose pour la quatrième édition de l'European Open d'Anvers avec un affrontement Murray-Wawrinka de haut vol, et un résultat, des images, qui ont fait de suite le tour du monde. Le premier titre ATP depuis mars 2017 d'Andy Murray, que l'on avait cru perdu pour la haute compétition après qu'on lui ait implanté une hanche artificielle, n'a laissé personne indifférent. On a retrouvé l'Ecossais tel qu'en lui-même, d'une résilience physique et mentale phénoménale. Etonnant.
 

On ne peut regretter que deux choses en clôture de l'European Open 2019. La première c'est évidemment ce que Thomas Johansson a appelé, à juste titre ou non, le "blocage émotionnel" de David Goffin, dominé pour son entrée en matière anversoise en rentrant d'Asie. La seconde c'est qu'en ce dimanche après-midi pluvieux la RTBF n'ait pas retransmis la superbe finale qui a tenu en haleine la Lotto Arena pendant deux heures trente, entre deux anciens lauréats de Grands Chelems qui disent que rien ne sera plus jamais comme avant mais dont le niveau et la volonté de vaincre n'en ont pas moins époustouflé une salle bourrée à craquer. Les amateurs de tennis ont heureusement pu se rabattre sur la VRT pour ne pas manquer cette belle tranche de spectacle haute tension, la fièvre montant crescendo dans les travées.

Comme au bon vieux temps

On a pourtant craint, en toute logique, que cette cinquième rencontre en une semaine pour Andy Murray, après déjà trois tournois d'affilée en Asie, soit celle de trop. Stan Wawrinka, quart de finaliste du dernier US Open, n'avait plus joué en tournoi depuis lors en raison de problèmes aux pieds, mais on estimait son physique actuel plus performant que celui d'un joueur n'ayant pas aligné plus de trois matches par semaine depuis son improbable retour. On a d'ailleurs vu un Suisse très déterminé breaker son adversaire d'entrée, et maintenir son avantage jusqu'à 6-3, puis breaker à nouveau en début de deuxième set pour mener 3-1, avec deux balles de 4-1 pour faire double break, on admirait la résistance écossaise sur chaque balle, mais on n'imaginait pas vraiment que ce qui est arrivé ensuite puisse se produire. Dans une partie pouvant basculer d'un côté comme de l'autre, on a ainsi assisté à l'insensible et inexorable  remontée d'un indomptable combattant, à l'indéfectible force de caractère, sortant finalement victorieux d'une "belle baston comme au bon vieux temps" (dixit Eurosport) sur un double 6-4, après avoir encore sauvé deux balles de break à 4-4 dans la troisième manche. Avec ce tennis retrouvé qui l’amène à tout renvoyer et à briser petit à petit ses adversaires, il a résisté à la force de frappe du Suisse et fini par l'annihiler. Chapeau.

"Une de mes plus grandes victoires"

"Stan aurait facilement pu gagner ce match", convenait l'Ecossais. "Mais en fin de deuxième set j'ai su trouver une voie, j'ai été plus agressif, j'ai passé quelques bons services, je ne sais pas si je le méritais, mais voilà c'est arrivé. Le matin, j'étais un peu nerveux, fatigué, les jambes lourdes, je ne me sentais pas prêt à gagner un tournoi. Ce qui arrive est une surprise, pour moi comme pour mon team. Je ne m’attendais pas à me retrouver dans cette position (de vainqueur), je n'y étais pas préparé, Stan a passé des coups gagnants dans tous les coins du terrain durant cette finale,  j'ai fait face et combattu du mieux que j'ai pu. Je ne vous dis pas à quel point cela me rend heureux. J'ai vécu deux années très difficiles, pleines de doutes, j'ai eu le choix entre un travail harassant, contraignant, ingrat,  sans garantie de réussite, et faire une croix sur la haute compétition. Quand j'ai repris en simple à Cincinnati (il y a deux mois, ndlr), j'ai senti qu'il y avait une possibilité, je me suis dit "why not ?" Mais quand je suis parti ensuite en Asie c'était seulement avec l'idée d'être compétitif, de ne pas me laisser balayer du court, pas en pensant battre des gars comme Berrettini (à Pékin) ou Stan. Sans hésiter il s'agit ici d'une des plus grandes victoires de ma carrière." Décidément, si Andy ne passe pas souvent par la Belgique, quand il y vient c'est pour y vivre des moments inoubliables !

Larmes de bonheur

En début d'année, en Australie, l'Ecossais, démoralisé, avait annoncé des larmes plein les yeux qu'il s'agirait probablement de son dernier Grand Chelem, avant de subir quelques jours plus tard une deuxième intervention à la hanche qui lui permet aujourd'hui de refaire surface. Dimanche, il a de nouveau pleuré, longtemps, la tête dans les mains. De bonheur, cette fois. "Il y en a qui n'ont pas d'émotions, qui ne "craquent" jamais, ce n'est pas mon cas", sourit-il, "on est comme on est et je me trouve quelques bonnes raisons pour ça (sourire), je sais ce que j'ai vécu, je n'ai plus mal du tout à la hanche et mon corps a tenu, c'est un des moments les plus importants de ma carrière, il me permet d'évoquer le futur avec un peu plus d'optimisme." Et qui sait de revoir l'Australie en janvier avec un beau sourire, c'est tout le mal qu'on lui souhaite. En attendant, il fera l'impasse sur la compétition jusqu'à la semaine de Coupe Davis et, avec son épouse Kim, accueillera un troisième enfant comme il le mérite. "Depuis le moment où j'ai arrêté le tennis, ma famille s'est considérablement agrandie", a-t-il plaisanté, "il est grand temps que je retourne sur le circuit."

"Le top tennis de retour en Belgique"

"Je suis très déçu", ne pouvait cacher Stan Wawrinka, qui n'a rien lâché, "j'ai eu trois fois un break d'avance et l'opportunité de finir le match, j'ai peut-être un peu baissé et lui haussé d'un ton mais c'était en tout état de cause un très haut niveau de jeu, dans une ambiance qui m'a donné des frissons. Andy est un "fighter" incroyable. En Australie au mois de janvier on était tristes de le voir aussi malheureux, aujourd'hui on est heureux pour lui - et pour le tennis - de le voir effectuer un tel come back, c'est un fantastique champion." Le hasard veut que ce soit après l'épique cinq sets disputé par les deux hommes en 2017 à Roland Garros que Murray ait commencé à souffrir de la hanche, et que, deux mois plus tard, Wawrinka se soit fait opérer du genou. Leurs retrouvailles a en tout cas fait le bonheur de l'organisation anversoise. D'autant qu'ils ont dit qu'ils reviendraient. On sait ce que vaut ce genre de promesses "mais on va quand même essayer de battre le fer tant qu'il est chaud", sourit le patron du tournoi Kristoff Puelinckx. Un tournoi qui a bien profité des circonstances pour présenter un super plateau à l'échelon ATP 250 et consolider sa réputation, cela a fait gonfler le budget mais a aussi porté ses fruits. Beaucoup de monde jeudi et vendredi, "sold out" samedi et dimanche, 25% de spectateurs en plus au total (autour des 30.000 pour la semaine), sponsors aux anges... le pari est gagné pour une édition "clé" qui avait sans doute valeur de test. "On a refusé du monde pour la finale et pour la première fois le tournoi gagne de l'argent après avoir atteint le seuil de rentabilité l'an dernier", conclut Puelinckx, "le soutien que l'on a reçu nous confirme dans l'idée d'aller plus loin et d'essayer d'attirer de pareils joueurs à Anvers. On a ramené le top tennis en Belgique. On parle toujours aujourd'hui de Lendl qui a joué ici il y a vingt ans, dans vingt ans c'est de cette finale Murray-Wawrinka dont on se souviendra."
 

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