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Avec le départ de Pierre Delahaye, une page importante se tourne pour l'AFT

Si l'aile francophone de la fédération de tennis est un exemple de stabilité, c'est notamment à un constat rare qu'elle le doit. En 41 ans d'existence, elle n'a connu que deux présidents et deux secrétaires généraux. Mais le temps n'attend personne, et elle se trouve à présent à la croisée des chemins.

En cette fin avril, le secrétaire général Pierre Delahaye, qui a formé durant seize ans une paire très complémentaire avec le président André Stein, fait valoir ses droits à la retraite. Il avait assuré en 2004 la lourde succession d'un "monument", Franz Lemaire, et il a pris à son tour une telle place dans l'AFT 2.0 dont il a façonné les contours qu'il va beaucoup nous manquer.

Continuité

C'est donc une petite (r)évolution que s'apprête à vivre l'AFT dans les prochains jours et mois. Elle s'y est préparée dans la continuité puisque Samuel Deflandre, le secrétaire général adjoint, prend tout naturellement le relais et que son prédécesseur, qui n'aura 65 ans que dans quelques mois, assumera encore un rôle de consultant durant un an. "Juste pour apporter mon expérience là où Sam le souhaitera, je n'ai pas vocation à servir de belle-mère", prévient Pierre Delahaye. Lorsque quelqu'un part à la retraite, la dernière des choses à faire est de lui donner l'impression de lire ou d'entendre son oraison funèbre avant l'heure. Loin de nous l'idée de faire le compte ici d'une carrière et d'une vie bien remplies que Pierre n'a jamais cessé de conjuguer au présent et au futur, avec une exigence tranquille composant autant que possible avec un évident sens de l'humain. Il n'en va pas autrement aujourd'hui même si une page importante se tourne. Vu de l'extérieur, on ne se rend pas forcément compte de ce que représente la gestion d'une fédération de 85.000 affiliés dont les composantes administratives et sportives n'ont fait que croître et embellir depuis qu'il est entré en fonction dans un bureau proche de l'avenue Louise avec à peine quatre employées pour le seconder. On peut comprendre qu'après seize ans d'une mission aussi astreignante que passionnante on aspire à vivre avec une charge moins lourde sur les épaules.

Une époque formidable

La tâche qui incombait à Pierre Delahaye lorsqu'il est entré en fonction c'est encore Franz Lemaire, en poste durant 25 ans à une époque en rien comparable à la nôtre, qui en parle le mieux : "J'aurais été incapable d'être mon propre successeur", reconnaissait-il l'an dernier à l'occasion du 40e anniversaire de notre fédération, "il fallait trop de compétences, il y avait de grands défis à relever au 21e siècle, en plein boum informatique, on devait absolument se moderniser, j'aurais été un peu perdu dans ce monde-là, Pierre connaissait tout ça beaucoup mieux que moi. En des temps aujourd'hui plus compliqués, où tout évolue vite, où l'éventail d'activités est de plus en plus large, je trouve d'ailleurs que l'AFT se débrouille plutôt bien." Certes, après un parcours riche d'enseignements, si parfois ingrat, au top du football liégeois, Pierre Delahaye, qui était à l'époque président du TC Templier à Nandrin, reconnaît qu'il est arrivé dans un monde du tennis belge en plein boum, au cœur de belles et folles saisons. "Pour ma première année comme secrétaire général, j'avais réservé ma place le samedi de la finale dames de Roland Garros en pensant que Justine la jouerait", se souvient-il, "mais elle a abordé le tournoi malade et a été éliminée très vite, ce fut une finale russe barbante et à sens unique, qu'importe Olivier Rochus et Xavier Malisse ont fait ma journée en gagnant le double juste après, c'était quand même une époque formidable (sourire) !"

Garder le cap

Le challenge pour la fédération n'en était pas moins lourd et exigeant à relever. Comme le dit Steve Darcis, Justine Henin et Olivier Rochus étaient des génies en termes tennistiques, l'AFT et leurs entraîneurs les ont soutenus et aidés à progresser dans une filière quasi avant-gardiste pour l'époque, mais leur talent et leur passion naturels étaient du niveau d'un Roger Federer, la taille mise à part, ils ne pouvaient que sortir du lot. Nos formateurs, ces passionnés de tennis qui avaient initié le centre de Mons au début de manière empirique, ont été subitement reconnus à juste titre au plan international, mais la tâche de professionnalisation, de modernisation, en fonction des moyens mis à disposition, restait à (par)faire. Durant toutes ces années, de Jacques Leriche à Thierry Van Cleemput en passant par Michaël Dermience, le centre de la Sapinette à Mons, qui s'est largement étoffé au fil des saisons, a hébergé différentes (fortes) personnalités et expérimenté diverses lignes directrices. Le secrétaire général a toujours veillé à laisser le sport aux sportifs, mais en prenant soin de garder le cap d'une fédération, citée en exemple, qui a formé et guidé un Top 10 mondial depuis ses douze ans. Avant de partir - et de se retrouver "confiné" chez lui ces dernières semaines... à cause d'un tendon d'Achille récalcitrant - il a d'ailleurs finalisé, en compagnie de Samuel Deflandre, le retour de Thierry Van Cleemput et l'intégration de Steve Darcis à des postes clés du staff technique fédéral. Une inestimable somme d'expérience et d'expertise du haut niveau pour nos jeunes talents. Un coup de maître.

Historique

C'est évidemment dans le domaine administratif - à la tête d'une petite équipe qui s'est également (un peu) élargie au fil du temps mais qui ne compte toujours pas ses heures - que Pierre Delahaye a surtout apporté sa pierre à l'édifice. Dans les relations avec les partenaires commerciaux - domaine où il excelle - et institutionnels, son sens du contact, la confiance qu'il inspire, ont souvent fait merveille dans un contexte particulièrement concurrentiel. "Il faut de plus en plus faire preuve d'inventivité pour que tout le monde sorte gagnant", sourit-il. Même s'il sait qu'il reste de l'ouvrage, que tout n'est pas abouti, il s'est aussi investi pour plus d'uniformité et de centralisation dans un sport où le poids des régions est historiquement important. L'indispensable modernisation des outils, le développement de l'informatique qu'il a initié "et qu'il faudra continuer d'adapter aux générations futures", ou les relations nouées par ce parfait bilingue avec la fédé néerlandophone, l'y ont sans doute aidé. On a vécu un moment historique lorsque des négociations en profondeur ont abouti à une réforme et une harmonisation des classements comme des compétitions de jeunes au niveau national. Avec Cécile Parent en capitaine de vaisseau, ce sont aussi dix-huit rencontres de Coupe Davis ou de Fed Cup qui ont été organisées à un haut niveau d'exigence, tandis qu'en seize ans d'exercice le nombre d'affiliés a été légèrement revu à la hausse, on peut (et veut) toujours faire mieux mais il y a désormais tellement de possibilités offertes aux jeunes (et moins jeunes) que conserver ses membres, quand on en a beaucoup, est déjà en soi une réussite. Enfin, c'est également lui qui a négocié - et continue d'accompagner -  l'intégration délicate mais réussie de la fédération de padel au sein de l'AFT.

Partie remise

Ingénieur commercial de formation, Hennuyer d'origine et Liégeois d'adoption, joueur de tennis ou de padel occasionnel, accessoirement passionné de bandes dessinées et amateur de bon vin, Pierre Delahaye a su s'imposer et se faire respecter à la direction de l'AFT, de l'avenue Louise à la chaussée de Marche, grâce à une présence discrète et une autorité souriante. "Notre petite structure est presque essentiellement composée de passionné(e)s", raconte une voix anonyme de Wierde, "personne n'est parfait, mais la plus grande qualité de Pierre a peut-être été de cultiver cette passion, cette énergie, de la faire vivre, derrière son air parfois un peu "bourru" (sourire) c'est un boss cool et attentif, quelqu'un de super convivial, qui s'intéresse vraiment aux gens, il nous a permis de nous exprimer, il nous a fait confiance, il nous a fait grandir dans notre métier." Qui ne rougirait pas un tantinet avec un "bon de sortie" libellé de la sorte ? Ne manque plus qu'une de ces petites fêtes bienveillantes et sans chichis comme il les aime. Elle était préparée quand un insupportable virus s'est invité à la table, nous empêchant tous de bouger, de jouer, de vivre. Pierre, tu ne perds rien pour attendre, ce n'est que partie remise.
 

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