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Billie Jean King Cup : une voie sans issue ?

On n'est pas mauvais perdant. Quand on n'a pas été bon et qu'on est éliminé, rien à dire. Personne ne croyait vraiment que les Australiennes, gonflées à bloc après avoir vaincu les Belges, s'inclineraient jeudi face aux Biélorusses que nous avions battues lundi, surtout que Tomljanovic (43e mondiale) était cette fois de la partie. Les dés sont donc jetés, on rentre à la maison. Pour autant, la question demeure : à quoi riment et où vont nous mener de telles phases finales où la plupart des matches se disputent dans des salles vides  ? Etat des lieux.

Encore plus triste

On avait déjà connu ça fin 2019 à Madrid lorsque le footballeur Gérard Piqué, et ses associés espagnols, avaient inauguré la nouvelle formule de la Coupe Davis, avec une phase finale en une seule semaine et un seul lieu. L'édition avait été sauvée par Nadal et l'équipe espagnole, soutenus par un public aussi chaud et nombreux que d'habitude, mais toutes les autres rencontres s'étaient disputées devant des banquettes vides. Difficile à vivre et à avaler quand on a connu les vibrantes explications d'antan. A Prague cette semaine, on a vécu la même chose, en pire. Des salles encore plus vides, encore plus tristes, sauf quand l'équipe tchèque jouait. On peut dès lors imaginer à quel point la fédération internationale (ITF) et les organisateurs croisaient les doigts pour que les joueuses locales aillent jusqu'en finale, histoire là aussi de sauver la face. Malheureusement pour eux, la République tchèque s'est inclinée jeudi soir face à la Suisse de Belinda Bencic.

Autant de forfaits qu'avant

On se souvient que la Coupe Davis originale, telle qu'on la jouait depuis des décennies, était passée à la trappe parce qu'on n'arrivait pas à l'imbriquer comme il l'aurait fallu dans un calendrier surchargé, sur fond de guéguerre entre ITF, ATP et WTA, tandis que les meilleurs finissaient par la bouder parce que peu rentable, en argent comme en points, d'où l'augmentation substantielle de la dotation lors de la nouvelle mouture. Mais que voit-on aujourd'hui ? Les dates au calendrier sont toujours aussi handicapantes, sinon plus. Cette année la Coupe Davis finira le 5 décembre, même pas un mois avant le début de la saison 2022, empiétant largement sur ce qu'on appelait la préparation hivernale. Et, malgré le nouveau prize money, les joueuses ou joueurs les mieux classés ne sont toujours pas plus au rendez-vous. Les forfaits marquants en phase finale de la Billie Jean King Cup ont même été si importants qu'Elise Mertens était une des rares Top 20 présentes sur le site. On peut dès lors se (re)poser la question du pourquoi d'une aussi radicale réforme, se demander jusqu'où elle va nous mener, et qui va continuer de payer, même si ici les autorités tchèques ont dû mettre la main à la poche et si les droits télévisés ne sont pas quantités négligeables. "On nous dit que c'est le futur, il faut donc s'adapter", a résumé la néophyte Greet Minnen. En attendant, comment ne pas parler de fiasco ? Cette année, la Coupe Davis, qui a montré l'exemple à la Fed Cup devenue Billie Jean King Cup, va tenter désespérément de ranimer la flamme, notamment chez les supporters, en dispatchant les matches de la phase finale (pour laquelle la Belgique n'est pas qualifiée) entre trois villes, Turin, Innsbruck et Madrid. On demande à voir.

"Le tennis n'est pas le foot"

André Stein, l'ancien président de l'AFT, et Samuel Deflandre, son secrétaire général, étaient à Prague. "Piqué et ses associés espagnols se sont imaginés qu'il pouvaient faire la même chose qu'en football, une Coupe du Monde sur une semaine", dit André. "Or, le tennis n'est pas le foot. Même au Qatar, destination pourtant critiquée, vous pouvez être sûrs qu'il y aura des supporters de tous les pays, que tout le monde regardera les matches de tout le monde à la télé. Ce n'est absolument pas comparable. Ceci étant, je dois être honnête, la nouvelle formule est plus favorable que l'ancienne financièrement pour une fédération comme la nôtre, du moins si on est en phase finale, parce que si on a vécu de grands moments dans le passé, on a aussi connu plus d'une organisation déficitaire. Pour autant, à titre personnel, je n'y étais pas favorable, mais Piqué et les siens ont su convertir des présidents de fédérations importantes, les jeux étaient faits. Prague est devenue une des plus belles et modernes capitales d'Europe, l'organisation est parfaite, les deux salles magnifiques... mais il n'y a personne dedans, c'est pire qu'à Madrid. Aucun dirigeant ou supporter de nos deux adversaires en poule n'avait fait le déplacement. On était trois dans une salle de réception énorme. Si c'est de cette manière qu'on envisage les rencontres internationales on est à côté de la plaque. Où va-t-on, et comment y va-t-on ? Je n'en sais rien, c'est une question pour l'ITF. Je ne sais pas non plus ce qu'il y a dans les contrats des sponsors, mais, en principe, ils restent au moins d'actualité pour l'an prochain."

"Au moins Elise était là"

Faut-il le dire, la salle vide dans laquelle l'équipe belge a disputé ses deux matches n'a rien à voir avec son élimination, d'autant qu'elle était soutenue par un courageux contingent de... 22 supporters, soit plus que la plupart des équipes présentes sur place. On n'a toujours pas tout compris... le double raté Mertens/Flipkens lundi, et celui réussi Mertens/Minnen mardi, après deux défaites largement évitables en simple et un troisième set "naufragé" de notre numéro une. "Quoiqu'il en soit, je pense comme vous qu'on avait une occasion unique d'aller en demi-finale et qu'elle ne se représentera peut-être pas de sitôt", dit Samuel Deflandre. "Il suffit de regarder les autres poules, et de constater à quel point nos adversaires étaient déforcées (une seule Top 100 sur les quatre matches de simple, la Biélorusse Sasnovich, 88e mondiale, ndlr), pour comprendre qu'on est passé à côté de la montre en or. Je sais que beaucoup de gens devant leur petit écran ont été déstabilisés par le 0-6 du troisième set d'Elise Mertens contre l'Australie, j'avoue que c'est aussi mon cas, c'est du jamais vu dans le chef d'une battante comme elle. Je voudrais néanmoins signaler qu'au contraire de tant d'autres, Elise est venue à Prague, alors qu'elle sera au Mexique en début de semaine prochaine pour le Masters de double, et qu'elle a remporté le point décisif contre la Biélorussie lundi. Sans chercher d'excuses, on a vu une joueuse épuisée physiquement et psychiquement par une année où elle a beaucoup joué et voyagé. On ne doit pas oublier non plus que c'est la toute première fois que Greet Minnen vivait de tels moments, au terme d'une saison très émotionnelle. Cela n'empêche pas qu'on rentre déçu, c'est un fait."
 

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