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Arnaud Bovy, numéro un junior belge : "Sans mes parents, je ne serais rien"

Membre d'une famille de tennis, qui forme aussi un "team" soudé, Arnaud Bovy est actuellement le premier junior belge au ranking ITF. En six mois, pour sa dernière année dans la catégorie, le gaucher liégeois de 17 ans est passé de la 220e place mondiale au Top 30. Après avoir été repris jusqu'à 12 ans dans le programme d'entraînement fédéral, à Mons et dans son club, il a préféré demeurer ensuite dans la région liégeoise auprès des siens qui habitent Comblain-au-Pont. "Sans mes parents, je ne serais rien", dit-il. Il est le seul jeune francophone à avoir à ce point progressé en dehors du centre de formation fédéral, une fameuse plume au chapeau d'un projet familial hors du commun, bien maîtrisé, qui a su se donner les moyens de ses ambitions. Pour autant, il n'est pas exact de dire que tous les contacts avec la fédération ont été rompus durant ces cinq années, via des invitations à des entraînements au centre de Mons ou à des stages, mais ils se sont de nouveau accélérés et intensifiés ces derniers temps, c'est sans doute une bonne chose pour tout le monde.

Une "galaxie" unique en son genre

La "galaxie Bovy" est indiscutablement un phénomène unique en son genre dans le tennis belge. Joëlle et Christian, avocate et notaire dans la vie professionnelle, ont nourri en parallèle une existence familiale au moins aussi riche en matière sportive. Avec leur passé respectif d'escrimeuse et de triathlète au niveau international, voire le modeste parcours tennistique de Christian (B-15 au mieux de sa forme), on n'est pas étonné que leur progéniture se soit épanouie dans l'activité physique, mais de là à voir trois de leurs quatre enfants embrasser la raquette avec un succès prometteur il y avait quand même de la marge. Outre Arnaud qui figure désormais parmi les meilleurs juniors mondiaux - ce qui n'est en rien une garantie de carrière future, il en est heureusement conscient - sa soeur aînée Margaux (20 ans, 620e mondiale) fait en effet partie du Team Girls de l'AFT, de même que la petite dernière Juliette qui aura 14 ans début septembre et compte parmi les plus performantes joueuses francophones de son âge. "Maman et papa ont essayé de leur offrir tous les moyens de réussir, et je vous assure qu'il s'agit d'un gros investissement, financier mais pas seulement", sourit le paternel. "Nous ne sommes pas partisans, en revanche, de tout miser sur une telle carrière sportive, si aléatoire. Il n'a jamais été question de les déscolariser, bien qu'on nous l'ait proposé et même si cela peut être handicapant sur le moment par rapport à des adversaires de leur âge. L'objectif n'est pas non plus de s'enliser jusqu'à 24/25 ans si on voit que ce n'est pas compétitif au niveau international. Mieux vaut alors faire du droit. Pour l'instant, entre Roland Garros et Wimbledon, Arnaud passe d'ailleurs ses examens de rhéto (immersion anglais) au Collège Sainte Véronique de Liège."

"Une reconnaissance du travail accompli"

Lorsqu'à douze ans, il a fallu faire un choix, Arnaud et ses parents ont donc fait celui de ne pas devenir pensionnaire du Centre de formation fédéral de Mons. "A l'époque, dans la structure sportive de l'AFT, c'était la voie obligatoire pour être aidé sportivement et financièrement, or je ne me voyais pas passer toutes ces semaines loin de chez moi pendant six ans", dit le jeune Liégeois. D'où la structure 100 % privée montée alors par Christian Bovy. "J'ai cherché du sponsoring dans mon réseau personnel, et nous avons bénéficié d'une aide de la Fondation Hope and Spirit", explique le sympathique et éloquent notaire, "je ne veux pas citer de chiffres, mais je peux dire qu'en gros la famille a tout financé à raison de 50 %. Même si à trois on peut réaliser certaines économies d'échelle, ceux qui savent ce que peut coûter une saison à ce niveau, encadrement, voyages, auront une idée de ce que cela représente, mais on a pu conserver les enfants à la maison puisque c'était leur souhait." Aujourd'hui, les choses évoluent. "La philosophie fédérale n'est plus la même non plus", estime notre interlocuteur. "Sous certaines conditions, l'AFT aide les jeunes les plus prometteurs même s'ils émargent à une structure privée. Je n'ai eu qu'à me féliciter de mes contacts avec Michaël Dermience ou Pierre Delahaye, et de leur ouverture d'esprit. A Roland Garros, le président André Stein fut un des plus fervents supporters d'Arnaud, il était quasiment déchaîné (sourire), je vous jure que cela a fait un bien fou à mon fils qui prend la perspective d'une collaboration plus intensive avec la fédération comme une reconnaissance du travail accompli et des résultats significatifs réalisés."  
 
Avec Louis Herman et Gauthier Onclin

"J'ai été un peu surpris de lire dans la presse qu'on n'avait rien fait pour lui jusqu'ici et que, du jour au lendemain, on allait tout faire à 100 %", dit le directeur technique fédéral Michaël Dermience. "La vérité se situe plus ou moins entre les deux. On vient de se mettre d'accord pour qu'il rejoigne de suite, sur certaines compétitions, les jeunes du Centre tels que Gauthier Onclin et Louis Herman qui seront encore juniors l'an prochain mais également amenés dans un avenir relativement proche à disputer des tournois séniors", dit le directeur technique fédéral Michaël Dermience. "On croit à l'émulation de groupe, tout le monde y vient même nos voisins français, il est prévu qu'Arnaud soit à Mons vingt à trente jours par an, mais qu'il restera en même temps attaché à la structure qui lui a été bénéfique jusqu'ici. Une aide financière relative sera également prévue dès l'an prochain, subordonnée à la présence d'un entraîneur diplômé à ses côtés, mais le soutien que nous sommes prêts à lui apporter, en termes financier, logistique et humain, ne sera pas comparable à celui accordé à un joueur encadré complètement par notre Centre de formation. Comme il le dit, il s'agit d'une valorisation de ses performances récentes." Le deal permettra-t-il à la famille de mieux respirer ? "Forcément un peu, mais on n'est pas obnubilés par ça", complète Christian Bovy, "Arnaud est surtout content de s'ouvrir de nouveaux horizons, de côtoyer éventuellement l'un ou l'autre "pro" à Mons, de pouvoir disputer plus de tournois et voyager en groupe avec un coach fédéral, d'autant qu'il s'entend bien avec Gauthier et Louis, il est d'ailleurs affilié au RTC Liège avec le premier. Ils feront équipe au championnat d'Europe, se retrouvent avec Zizou Bergs et Tibo Colson de Tennis Vlaanderen au sein d'un groupe de Coupe Davis élargi, cela ne peut que l'aider à progresser, le niveau international est tellement fort, c'est tellement difficile que si on ne se met pas ensemble dans un petit pays comme le nôtre on se tire une balle dans le pied. On n'a d'ailleurs jamais cru aux vertus de l'isolement, on recherchait les contacts, il arrivait à Arnaud de se rendre à Genk pour y trouver des joueurs de bon niveau." 

La déception de Roland Garros

Qualifié direct pour le tableau final junior de Roland Garros, Arnaud Bovy se faisait une fête de sa première apparition en Grand Chelem. La cruelle désillusion fut à la mesure des espérances nourries, mais, à l'exception des quinze premières minutes où, nerveux, il se prit 0-5 des oeuvres de l'Australien Rinky Hijikata, sa prestation au premier tour ne fut pas décevante, il sauva une balle de 3-6, 0-3 dans le deuxième set avant d'égaliser à une manche partout, et malgré des crampes, "sans doute due au stress", il s'octroya quatre balles de match non transformées à 6-5 dans le set décisif, avant de perdre 5-7 au tie-break. "Désillusion ? Le mot est faible. Mais le fait que les gens soient venus ensuite le féliciter pour le caractère dont il a fait preuve a un peu atténué sa déception, il y avait plein de monde autour du court, c'était tendu au couteau", dit son père. "Je ne sais où tout ceci le mènera, mais c'est un garçon très sérieux, je suis surtout fier de la manière dont il s'est accroché entre 13 et 16 ans alors que, fluet, il faisait 1 m 50 (1 m 83 aujourd'hui, ndlr). Cette année, sa progression est verticale, il a pris conscience de quelque chose, il a battu de bons joueurs, mieux classés que lui, j'espère qu'il pourra finir 2018 entre Top 15 et Top 20, mais, bien sûr, le circuit pro c'est autre chose, c'est le test de vérité, il doit s'améliorer dans tous les domaines, il lui manque surtout un gros service et un gros retour qui ne sont peut-être pas, avis personnel, les points forts de la formation complète et de qualité qu'on a en Belgique." Après cet autre challenge que représentent les examens de fin d'humanités, le prochain rendez-vous sera Wimbledon, précédé d'un tournoi grade 1 sur gazon juste avant. "Une plus grosse inconnue encore, il n'a jamais joué sur herbe".
 

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