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Première victoire en Grand Chelem pour Ysaline : "Je ne m'en contente pas"

Face à la 36e mondiale chinoise, Shuai Zhang, Ysaline Bonaventure, classée 85 places plus bas, n'était évidemment pas favorite. A l'arrivée, si elle a encore commis trop de doubles (11) ou fautes directes (53), elle a surtout su en faire fi et s'arracher au fil du match pour terminer le troisième set en dominatrice, presque comme dans un rêve. Une belle "perf" de la Stavelotaine qui la rapproche aussi du Top 100, alors qu'elle avait pourtant été perturbée durant les jours précédents par de nouvelles mesures contraignantes après le test positif de Benoît Paire à la table duquel elle avait joué aux cartes.

Quatre derniers jeux super forts

Son coach Germain Gigounon s'en servait comme d'un leitmotiv ces derniers jours, comme s'il voulait le faire entrer dans l'esprit d'Ysaline envers et contre tout : "Elle doit jouer sa chance à fond, croire qu'elle peut battre le genre de joueuse qu'on lui oppose, quand on voit ce qu'elle est capable de réaliser à certains moments sur un court..." Un constat qui a déjà été fait par d'autres à quelques reprises, sans que le message ne débouche sur le résultat escompté. Aujourd'hui, on ne dira pas que tout est parfait, trop de fautes non provoquées encore, au service et dans l'échange, même si on doit tenir compte de son jeu à risques et du fait qu'elle a frappé 37 coups gagnants et 6 aces mardi, ce qui compense dans la balance. Mais déjà au niveau physique le fait qu'elle soit plus affûtée n'échappe à personne, le travail réalisé les derniers mois avec le préparateur de la fédé Alexandre Blairvacq semble porter à son tour ses fruits. Et dans l'attitude, contre vents ou marées, on l'a sentie mardi se lâcher de plus en plus au fur et à mesure que le match avançait, pour finir sur quatre derniers jeux super forts (6-3, 6-2). "Je suis vraiment fier de ce qu'elle a fait", pouvait dire Germain, "ses intentions et son engagement ont été de plus en plus présents au fil du match, avec des coups gagnants et un service de très bonne qualité dans le troisième set, j'espère que cela va lui donner beaucoup de  confiance pour la suite car elle est encore capable de très belles choses ici." Un premier succès en trois participations en tableau final de Grand Chelem, et contre une tête de série, ce n'est pas anodin, surtout à 26 ans après pas mal de galères. Pas d'euphorie néanmoins. "Ce n'est qu'un match de tennis, je suis super heureuse, mais je ne m'en contente pas, je veux aller plus loin, mon tournoi n'est pas fini", insiste-t-elle.

"Même si je fais des fautes, je dois les accepter"

Au premier set, Ysa sait bien qu'on a revu son "mauvais profil", en tout cas lors de son dernier jeu de service où elle "offre" quasiment le set (4-6) à la Chinoise sur un jeu blanc. "J'étais un peu stressée avant le match, et on a pu effectivement le constater dans ce premier set, au moment important je flanche, mais par la suite j'ai vraiment réussi à me libérer et à libérer mes coups, je pense que c'est ce qui a fait la différence et l'a faite douter", dit-elle. "Il y a longtemps que j'attendais cette victoire, elle fait du bien, elle aurait déjà dû être là début janvier contre (l'Américaine) Vickery à l'Australian Open où je loupe le coche alors que clairement je dois gagner le match. Bien sûr j'y ai repensé ici en fin de troisième set, mais j'ai essayé de me concentrer, de prendre point par point, et je pense que ça m'a vraiment aidé. Mes derniers tournois depuis la reprise n'avaient pas été incroyables. Certes, je gagne un bon match la semaine passée en qualif de Cincinnati contre la Japonaise Hibino, mais le tour suivant (contre l'Américaine Catherine Bellis, ndlr) a été assez décevant dans la mesure où le niveau était là et qu'on peut dire que j'ai perdu à cause de mon mental, j'étais trop frustrée, je n'acceptais pas que l'autre puisse bien jouer aussi. Même si je fais des fautes, je dois les accepter, on essaie de travailler là-dessus à l'entraînement. Pour l'US Open, je me suis dit qu'on n'avait pas tous les jours l'occasion d'entrer directement dans le tableau final d'un Grand Chelem, surtout avec mon classement, cela n'aurait pas été le cas dans une situation normale, j'ai essayé de me mettre ça en tête et j'ai finalement réussi à engager toute mon énergie positive dans mes frappes."

Alizé Cornet jeudi pour une revanche ?

Jeudi, au deuxième tour, la Stavelotaine ne se trouvera pas déroutée par la langue, puisqu'elle affrontera Alizé Cornet, 56e mondiale, qui a éliminé en trois sets très inégaux (6-3, 1-6, 6-0) l'Américaine Lauren Davis. Les deux filles ne se sont rencontrées qu'une fois jusqu'ici, mais c'était au début de cette année, à Auckland, et cela avait donné lieu à une fameuse bataille en trois sets conclue à l'avantage de la Française (6-4, 5-7, 3-6). "Elle est très forte physiquement, ramène beaucoup de balles, c'est une battante, je vais devoir être agressive, un peu comme aujourd'hui sauf que je risque de voir plus de balles revenir." "On doit en effet s'attendre à une grosse bagarre, avec des rallyes, mais quand elles se sont jouées Ysa n'était pas loin, donc elle doit continuer à y croire à fond", confirme Gigounon. Ce bon premier résultat fait déjà virtuellement remonter la 121e mondiale d'une dizaine de places au classement WTA. "Le Top 100 c'est l'autre "premier pas" à franchir bien sûr", dit-elle, "mais je tente de ne plus focaliser là-dessus, parce que cela m'a beaucoup trop préoccupée ces dernières années et que cela ne m'a pas réussi, cela m'a plutôt coûté des matches, je travaille au maximum en dehors de la compétition en comptant que les résultats vont suivre." Elle ne semble en tout cas pas gênée par l'absence de public... la question bateau que l'on pose ici à tout le monde. "C'est dommage pour l'ambiance, mais cela ne me gêne pas, je sais qu'à la maison la famille et les amis regardent tous mes matches, cela suffit à me booster.

"Compliqué mentalement"

Ysaline a essayé de ne pas l'ébruiter ("pour que l'on ne m'assomme pas de questions là-dessus avant mon match"), mais le coup de tonnerre Benoît Paire, testé positif au covid 19, l'a emportée dans la tempête. On savait que les Français en contact avec Paire dans les 48 heures précédant son contrôle positif avaient été contraints à des mesures d'isolement encore plus contraignantes, à savoir Kristina Mladenovic, Adrian Mannarino, Edouard Roger-Vasselin, Richard Gasquet et Grégoire Barrère, mais on ignorait que c'était également son cas et celui de de Kirsten Flipkens, forcément perturbées dans leur préparation... ce qui ne les a pas empêchées de remporter leur premier tour toutes les deux. "C'est très compliqué mentalement", dit la Stavelotaine, "on se dit que c'est injuste, que c'est de la pure malchance, on panique un peu, on se demande si on va pouvoir jouer. Je n'avais pas côtoyé Benoît Paire de tout le tournoi, et là pour une malheureuse partie de cartes, avec masque et distanciation, c'est difficile à encaisser. Et surtout à vivre, parce que l'horizon se rétrécit encore un peu plus, entre la chambre d'hôtel et le stade, on ne peut pas sortir, sauf pour s’entraîner et jouer nos matches, on n’a plus accès aux vestiaires, ni au restaurant, ni au fitness, tout est mis en place pour qu’on ne croise personne, à part notre coach. Après on se raisonne, rien que le fait de savoir ce que l’on va gagner en un seul match de tennis ça fait retomber les pieds sur terre. On sait que les gens doivent bosser pendant des mois voire des années pour gagner ce qu’on va gagner en deux ou trois heures (prize money 84600 euros pour son premier 2e tour en Grand Chelem, ndlr) et on réalise que c'est une opportunité à saisir, j’ai réussi à faire la part des choses." Pour sûr, un moment qu'elle n'est pas prête d'oublier.
 

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