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Arthur De Greef : "Coach, oui, mais seulement avec quelqu'un que j'apprécie"

A 28 ans (bientôt 29), Arthur De Greef a décidé de mettre un terme à sa carrière de joueur pro sur le circuit après les qualifications de l'Australian Open. Ce n'est une surprise pour personne, comme d'ailleurs le fait qu'il entraîne désormais Ysaline Bonaventure. En direct de Melbourne, il explique. Avec la franchise qu'on lui connaît.

La rumeur a fuité, fin d'automne, des coulisses du centre de formation AFT de Mons, le seul endroit où nos élites tennistiques peuvent s'entraîner en période de confinement. On y a vu Ysaline Bonaventure et Arthur De Greef respectivement dans les rôles de joueuse et de coach. La Stavelotaine, à la recherche d'une nouvelle structure après le départ de Germain Gigounon auprès de David Goffin, avait-elle trouvé un "mentor" inattendu en la personne d'un joueur encore en activité, auquel il restait trois possibilités d'utiliser un classement protégé (ATP 239), mais que l'on disait néanmoins proche de raccrocher la raquette au niveau international ? En réalité, elle attendait pour le confirmer qu'Arthur annonce formellement sa fin de carrière, ce qu'il vient donc de faire. Une carrière qui le satisfait, dit-il, mais qui, à l'image de celle d'un Xavier Malisse (toutes choses relatives), n'aura peut-être pas totalement débouché sur ce qu'elle promettait. 



16e mondial junior, finaliste de l'Orange Bowl


On parle ici d'un des meilleurs jeunes de sa génération, 16e mondial junior, finaliste du prestigieux Orange Bowl, soutenu durant une douzaine d'années par l'AFT, avec une capacité de travail certaine mais aussi une tendance assumée à faire comme il aime, un tantinet fantasque, pas toujours aussi rigoureux ou ambitieux que ses entraîneurs successifs l'auraient souhaité.


Il a fait partie de l'équipe de Coupe Davis, a pointé 113e mondial lors de sa meilleure saison, en 2017, avec un premier tour à Roland Garros contre Richard Gasquet qu'il aurait pu pousser à un cinquième set. C'est sur terre battue qu'il a surtout développé son jeu, arpentant les courts d'Amérique du sud plus souvent qu'à son tour, et c'est à Rio, "dans une ambiance de dingue", qu'il a réalisé sa plus belle "perf", en sortant d'entrée l'Uruguayen Pablo Cuevas, 30e mondial et tenant du titre, 7-5 lors d'un troisième set de 65 minutes. "Il y a plusieurs mois que je n'ai plus plaisir à partir en tournoi, j'ai pris une décision mûrement réfléchie", assure celui qui, avec son père Nicolas, patron d'entreprise, a préparé son avenir en se portant acquéreur du club de Géronsart, sur les hauteurs namuroises. Sans doute pas au meilleur moment, mais le bon temps reviendra. Entretien. 

"En mangeant tennis matin, midi et soir j'aurais probablement été meilleur""

Q. Arthur, s'il n'y avait pas eu votre problème au dos, puis le Covid, auriez-vous arrêté de la même manière ?

R. Certainement. J'ai déjà l'impression d'avoir joué quelques mois de trop. Cela tourne dans ma tête depuis deux ans. Comme j'ai fait ça toute ma vie, j'ai attendu d'être vraiment sûr, ce n'était pas une décision facile à prendre, j'ai mis un peu de temps avant d'être certain que c'était la bonne.

Q. Dans votre for intérieur, vous n'avez pas le sentiment que votre carrière a manqué un peu de consistance, que le Top 100 était dans vos moyens, que vous avez peut-être eu trop facile dans un confort familial aisé ?

R. Cela n'a rien à voir. Je connais des gens dans le Top 100 dont les familles sont extrêmement riches, et d'autres dans les tournois Future qui crèvent la dalle, dont les parents travaillent dans les champs, mais qui ne deviendront pas meilleurs pour autant. Le tennis c'est plus complexe, ce n'est pas juste avoir envie ou pas. Il y a tous les genres dans le Top 100, du grand bosseur, qui y arrive à l'arrache, à des gars comme Paire ou Fognini. Quand je dis qu'à refaire je referais tout pareil, que je n'ai pas de véritables regrets, je le pense vraiment. Probablement que si je m'étais coupé de la vie, du monde, en pensant, en mangeant tennis matin, midi et soir j'aurais été meilleur que je ne l'ai été. Je ne me suis peut-être pas plongé assez dedans, j'avais du talent et à 20 ans je comptais un peu trop dessus, mais c'est le choix que j'ai fait, celui d'avoir une vie à côté, de sortir avec des amis, de m'intéresser à d'autres choses que le tennis. Cela en a sûrement déçu certains, mais quand j'étais plus jeune j'ai vu beaucoup de joueurs qui éprouvaient des difficultés à être heureux après leur carrière, qui avaient du mal à trouver d'autres centres d'intérêt, cela m'a fort choqué, et je n'ai pas eu envie de le reproduire. Je suis fier de ce que j'ai pu réaliser, il faut trouver le style qui correspond à sa personnalité, et on vaut ce qu'on vaut, mais je me suis aussi entraîné dur pendant des années. 

"Le Top 100 ? On vit ça tout-à-fait différemment Ysaline et moi"

Q. Vous prenez en charge Ysaline Bonaventure (WTA 123) un peu dans la situation qui était la vôtre en 2017, en approche du Top 100...

R. ... Oui, sauf qu'on le vit tout-à-fait différemment elle et moi. Pour moi, cela s'est joué à deux matches gagnés cette année-là, j'étais tout proche, mais c'est un objectif qui ne m'a jamais obnubilé, qui n'a jamais constitué une barrière mentale, alors qu'Ysaline y pense beaucoup. Tous ceux qui connaissent le tennis savent que 120e ou 90e, 110e ou 80e c'est le même niveau, en tout cas chez les hommes, je ne connais pas encore assez le circuit féminin, mais on en a pas mal discuté, pour qu'elle y pense moins, qu'elle se prenne moins la tête. Elle joue mieux que son classement, c'est certain. Et c'est ce qui compte. Elle a énormément travaillé, notamment avec le préparateur physique de l'AFT Alexandre Blairvacq, elle fait beaucoup plus attention qu'avant, elle est en meilleure forme qu'elle ne l'espérait après sa blessure parisienne, elle entre au tableau final du premier Grand Chelem de l'année, et elle peut encore faire évoluer plein de choses, mentalement ou dans son jeu, pour viser entre Top 100 et, pourquoi pas, Top 50.

"On se connaît depuis longtemps"

Q. L'annonce de votre association était plutôt inattendue, comment cela s'est-il passé ? 

R. Dans un premier temps, je l'avoue, je ne me voyais plus voyager, j'en avais marre des valises, de cette vie de joueur de tennis, où l'on est souvent seul, j'avais envie d'une période "off", à la maison, avec ma copine Chloé qui a fait de belles études de droit et intégré un grand cabinet d'avocats. La décision que j'ai prise est donc un peu paradoxale (sourire), en même temps j'aurais peut-être eu du mal à me retrouver subitement 365 jours par an en Belgique. On se connaît depuis longtemps avec Ysaline, elle a appris que j'allais probablement arrêter de jouer et m'a demandé si cela pouvait m'intéresser, je ne crois pas au hasard, je pense que je suis arrivé au bon moment pour elle, elle n'avait pas énormément de solution, elle avait vraiment envie que je m'occupe d'elle, et cela me tentait aussi. Le deal c'est que je la suive en tournois 15 semaines sur l'année, et que je l'entraîne quand elle est en Belgique, cela me laisse le temps d'apprendre à gérer mon club. Clément Geens prendra le relais sur le circuit durant huit autres semaines. 

Q. Vous n'avez pas d'expérience comme coach, est-ce une orientation pour la suite ?

R. D'une part, cela ne me fait pas spécialement envie, mais j'ai toujours dit que je le ferais pour des gens que j'apprécie et qui le veulent vraiment. Avec un bon joueur que je ne connais pas... pas sûr que j'y aille. D'autre part, quand on vit dix ans sur le circuit, que l'on a été 120/150 au monde, on accumule beaucoup d'expérience, on connaît toutes les étapes, on est plus facilement apte à coacher directement un joueur du top qu'un entraîneur qui n'a jamais connu le haut niveau. Au départ, je n'y pensais pas, mais c'est un chouette défi à relever.
 

"Etre confiné dans sa chambre, je n'imaginais pas que c'était aussi dur"

- AUSTRALIAN.
"Le fait de pouvoir sortir de la chambre d'hôtel cinq heures par jour - 1 h 30 de physique, 2 h de tennis, 1 h pour manger, plus le trajet - permet de supporter plus facilement les conditions de la quarantaine. L'horaire change tous les jours, une fois c'est 7 h 30 du matin, l'autre 13 h 30. Pour celles et ceux qui en sont privés parce qu'il y avait un cas positif dans leur avion, c'est différent. J'ai dû rester dans ma chambre durant trois jours en attendant le feu vert sanitaire, et j'ai compris qu'y être astreint durant deux semaines doit être tout sauf évident, je ne pensais pas que c'était aussi dur."

- COPPEJANS. "Kimmer fait malheureusement partie de ces "isolés complets", il est heureusement venu avec sa copine, qui est kiné, ils sont dans la même chambre, il a quelqu'un avec qui parler et essayer de rester actif du mieux possible, mais, à part le vélo d'appartement et Netflix, il n'y a pas grand chose à faire dans un petit espace comme ça. Evidemment, c'est tout sauf une préparation idéale, mais cela ne veut pas dire non plus que 72 participants ont ainsi perdu toute chance pour l'Open d'Australie. S'ils se sont bien préparés avant, et avec encore une bonne semaine de tennis après la quarantaine, cela ne va pas les empêcher de passer des tours, loin de là."

- TOUR DU MONDE. "Si la vie d'un joueur de tennis à notre niveau n'est pas celle que l'on imagine de l'extérieur, avoir pu réaliser une sorte de tour du monde à mon âge reste une expérience incroyable. Si à l'inverse des gens normaux qui rêvent de voyages j'aspire à une vie plus simple, je suis ravi d'avoir fait ce métier. Ceci dit, on n'a pas toujours la possibilité de visiter l'endroit où l'on est, mais ces cinq dernières années j'ai essayé de prendre du temps pour le faire, Lima et toutes les villes sud-américaines, Melbourne, New York... je me suis fait aussi beaucoup d'amis, français, serbes, hollandais, italiens, c'est enrichissant."

- SOUVENIRS. "Les meilleurs vous les connaissez. Ce match formidable à Rio contre Cuevas dans un vrai chaudron. La qualification à Roland Garros, le premier tour contre Gasquet, devant la famille et les amis, une de ces prestations qui montrent que je n'étais pas loin... mais, encore une fois, pas de regrets (sourire). Quant à mon plus mauvais souvenir, sans hésiter le match de double de Coupe Davis contre l'Australie à Bruxelles. Je n'avais pas disputé un double en deux ans, et je n'étais pas sensé le faire, on n'avait jamais joué ensemble avec Ruben (Bemelmans), tout ça face au numéro un de la discipline et son équipier habituel en équipe nationale. Je ne me suis pas senti à l'aise du tout."

- TOURNOIS. "Je ne compte plus en jouer, même pas ceux que l'on organise l'été en Belgique. La pratique du tennis se limitera désormais pour moi aux matches par équipes (interclubs) que je dispute en France ou en Allemagne, et à frapper la balle avec Ysaline."

 

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