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Le coach de David Goffin partage son expérience avec entraîneurs et parents

Thierry Van Cleemput a donné jeudi dernier dans les locaux de l'Adeps à Jambes deux conférences habitées et passionnantes à l'intention des entraîneurs régionaux et des parents de jeunes "moins de douze ans" recrutés par l'AFT.

Thierry Van Cleemput n'est pas que l'entraîneur de David Goffin, qu'il conduit et épaule sur le circuit pro partout dans le monde au long de la saison, il reste une autorité et pour une part un salarié de l'AFT. Le directeur sportif fédéral Michaël Dermience a convenu avec lui que lors des ses (rares) séjours au pays il consacrerait un peu de son temps libre à faire bénéficier de son vécu actuel et de ses acquis au sens large la formation francophone qu'il a lui-même contribué en son temps à mettre sur les rails. "C'est à la fois quelqu'un de chez nous, et à présent un coach reconnu à l'échelon international grâce à David", dit Dermience. "Du fait de sa notoriété, du niveau où il officie, de ce qu'il a pu accumuler comme contacts ou expérience lors de ces deux dernières années, il ne dit sans doute pas autre chose que les autres responsables du Centre de formation, mais sa parole peut être entendue autrement, prendre plus de poids, briser une certaine routine, et faire réfléchir, surtout avec la passion et l'intensité qui inspirent sa démarche. On serait sot de ne pas en tirer avantage un peu dans tous les secteurs et vis-à-vis d'un peu tous les acteurs, qu'ils soient de terrain ou non, d'autant que lorsque Thierry parle de pédagogie et dit qu'il trouve aussi intéressant de former un jeune que de côtoyer Federer je sais qu'il le pense, et il le prouve en se rendant disponible alors qu'il a déjà peu de temps à consacrer à sa famille."

"Faut être un peu maso, aimer se faire mal"

Boosteur dans l'âme, homme de valeurs et orateur habité, Van Cleemput est déjà repassé quelques jours par le Tennis Etudes montois, et il le refera chaque fois que possible, comme il pointera également le bout de la raquette du côté du Team Girls. Jeudi dernier, dans les locaux de l'Adeps à Jambes, il s'est adressé plus particulièrement aux entraîneurs régionaux AFT en matinée, puis en soirée aux parents des joueuses et joueurs de moins de douze ans repérés dans les clubs par la fédération. Une journée bien pleine. En même temps, on est sûr que "semer la bonne parole" il adore ça, Thierry. Différent dans la terminologie et la formulation, selon qu'il s'adressait à des techniciens "maison" ou à des personnes extérieures, le message de fond fut à chaque fois semblable, centré sur le développement de l'enfant, sur l'idée, au delà des nécessaires fondamentaux tennistiques, de ne pas l'enfermer dans un carcan, de s'adapter au maximum à lui, de "garder les portes ouvertes", de privilégier le plaisir jusqu'à 14/15 ans, avant l'apprentissage du travail proprement dit... et de sa difficulté, souvent sous-estimée. "C'est la fille ou le garçon qui s'engage et réussira, ou non, dans le tennis, personne d'autre. C'est elle/il qui devra apprendre et comprendre qu'un sportif de haut niveau doit être un peu maso, que s'il ne s'épanouit pas dans la difficulté, n'aime pas se faire mal, il n'y arrivera pas."

"Sensibiliser les parents sur leur rôle"

"70% des entraîneurs ou des parents nous ont rejoints de tous les coins de la Wallonie, alors que nous n'avions pu nous organiser qu'en dernière minute en fonction de l'agenda de Thierry", se félicite Michaël, "c'est vraiment une belle réussite, on l'a bien senti dans les réactions des uns et des autres. Nous n'avions d'autre prétention que de permettre de prendre un peu de recul, durant 1 h 30, par rapport au quotidien, en insistant sur une réflexion susceptible de l'inspirer positivement. Du côté des parents, l'objectif était surtout de les sensibiliser sur leur rôle (le matin même une monitrice avait fait remarquer, sans surprise, que c'était le premier problème à laquelle elle se trouvait confrontée, ndlr), qui est plus de supporter le projet de leur enfant que de vouloir en détenir le leadership sportif, qui est plus d'enlever de la pression que d'en rajouter parfois sans même s'en rendre compte." "Il doit faire le mieux qu'il peut, mais c'est son activité, pas la vôtre", insiste Van Cleemput.

"Dur et stressant"

Le coach de David Goffin, sans dédouaner pour autant les talents gâtés et gâchés ("il faut toujours vouloir progresser et s'attaquer aux meilleurs"), fait remarquer à quel point ce que l'on demande aux "p'tits bouts" est dur et stressant. "Il faut entre 10 et 15" pour boucler un échange, le temps d'un sprint en athlétisme, sauf qu'en tennis quand on a gagné un rallye on n'a rien, il y en a encore une centaine d'autres à tenir pour finir le match, et on est seul, on ne peut compter sur les autres comme en foot. En même temps, quelle formidable école de vie ! Les griller, jouer le ranking, multiplier les tournois à l'étranger avant l'âge de 14 ans est contre-productif", continue-t-il. "Si j'ai un conseil à donner aux parents, et j'en suis un, c'est de relativiser leur rôle et les résultats, de ne pas vouloir se substituer à leur enfant ou à son entraîneur, de ne jamais chercher à réaliser à travers sa fille ou son fils ce que l'on n'a pu réussir soi-même, mais d'être là pour le/la conduire, et l'aider s'il le faut à rebondir. Je n'ai jamais oublié cette définition du "winner" trouvée dans un bouquin de sport américain : c'est celui qui se demande ce qu'il fera s'il perd. Au contraire du "loser" qui se demande ce qu'il fera s'il gagne."

"Jeune, David ne faisait pas l'unanimité"

"Pour me faire mieux comprendre, il n'y a pas meilleur exemple que... David Goffin. Garçon à maturité tardive, il ne faisait pas l'unanimité en catégories d'âge, je m'en souviens d'autant mieux que j'appartenais au clan des sceptiques, il ne rentrait pas dans les critères de combativité pour rester au Centre, avec son petit short et ses petites jambes, il n'accrochait pas assez", conclut Van Cleemput. "Il a réagi, s'est montré et "revengé", juste à temps. On a dit qu'il avait jeté sa raquette à terre pour la première fois à Tokyo il y a quelques semaines, ce n'est pas exact il l'avait déjà fait une fois en 2004, à 13 ans, lors des championnats de Belgique qui l'ont en quelque sorte "sauvé"... et nous aussi. Reste que David n'a vraiment émergé qu'en juniors, même au niveau belge. Mais c'est lui qui a réussi, et non ceux en qui on croyait il y a douze ans et qui ont eu les mêmes entraînements, c'est lui qui s'est retrouvé de plus en plus dans sa zone de confort lorsque c'est allé de plus en plus vite sur le court. Je suis fier de lui, mais je le suis tout autant de ceux ou celles qui sont passés par Mons, dont le nom n'est pas resté accroché aux tablettes tennistiques, et qui ont bifurqué, étudié, trouvé leur voie par ailleurs et m'appellent encore de temps en temps. Parce qu'il y a pas mal d'appelés pour très peu d'élus, et que c'est notre préoccupation au Tennis Etudes, finalement la seule chose qui doit compter pour une mère ou un père, tennis ou pas tennis : que l'enfant réussisse sa vie."
 

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